Le compost est une technique vieille comme la vie pour recycler les déchets et nourrir le sol et les plantes qui en profitent. C’est à juste titre qu’on l’appelle l’or brun.
Dans cet article qui vante les multiples avantages du compost, je détaille le mode d’emploi et les meilleures astuces pour faire votre propre compost, les alternatives pour les jardiniers urbains et ceux qui profitent de grands espaces, et je solutionne pour vous les différentes problématiques les plus fréquentes.
Les avantages économiques du compost
Valorisation des déchets et économie du jardinier
Valoriser des déchets en ressources, c’est une bonne façon pour vous de faire des économies. Le compost peut remplacer en tout ou en partie nombre d’intrants coûteux tels que l’engrais chimique ou biologique, le fumier d’animaux et l’achat de terre à jardin. Naturellement, on peut acheter du compost en jardinerie pour profiter de ses bienfaits, mais si vous le faites vous-même il sera bien plus économique!
Le compost disponible en sac est coûteux et de qualité très variable
Par exemple, on trouve souvent, dans le compost en sac, un bon pourcentage de matière organique très stable (voir tableau ci-bas), très peu intéressant pour la vie du sol et les plantes. Avant d’acheter du compost, vérifiez ses intrants et rejetez les sacs qui contiennent de la terre noire, de la tourbe ou de la sphaigne. Peut-être que votre ville distribue du compost de grade biologique (une aubaine). Sinon, je me joins au Jardinier paresseux et à Yves Gagnon pour vous recommander le vermicompost marin et forestier Bionik, mais ce n’est pas donné : 14$ pour 22 litres. Pour mon jardin, si je voulais mettre 1cm sur mes 180m2 de surface cultivable, j’aurais donc une jolie facture de 1180$. Je vous le dis : de l’or brun !!!
Des économies pour la société
De plus en plus de villes offrent la collecte des résidus de table et des résidus verts. Ces collectes permettent à grande échelle la valorisation des déchets, mais coûtent plus cher que le processus maison. Dans sa version industrielle, ce processus demande infrastructure, transport et main-d’œuvre. C’est une amélioration par rapport aux anciennes solutions d’enfouissement et d’incinération, mais on est loin de l’efficacité de mère Nature, gratuite et sans pollution. En ce sens, le compostage maison est plus efficace, plus écologique et plus poétique que la version industrielle.
Le saviez-vous? Au Québec, seulement 1 quart des matières organiques était recyclé en 2012.
Si on considère qu’on produisait alors 1 546 000 tonnes de matières organiques putrescibles, cela veut dire 1 159 500 tonnes de problèmes pour notre environnement. Aujourd’hui, la collecte des résidus de tables est une pratique de plus en plus populaire. On estime que les citoyens qui en profitent valorisent ainsi 68% de leurs déchets organiques.
Les avantages écologiques du compost
Sans le compost, nous vivrions sur des kilomètres de détritus. C’est le génie de la vie, qui sait se recycler et se bonifier à l’infini. Non seulement le compost rend la vie possible, il la nourrit et la stimule de plusieurs manières.
Le compost apporte des nutriments au sol
Par définition, le compost est un processus de décomposition de la matière organique qui crée des nutriments pour la vie au sol, en particulier nos chères plantes.
Le compost améliore la structure des sols et la rétention des nutriments
- Vous avez un sol trop argileux qui se compacte et manque d’air? Ajoutez du compost pour l’améliorer
- Vous avez un sol sableux qui se lessive de ses nutriments et est toujours sec? Ajoutez du compost pour le nourrir et améliorer sa rétention en eau et en nutriments
En forêt, le sol retient dans son écosystème 98% des nutriments. Les terrains de villes n’en retiennent que 30%, et selon les pratiques agricoles, les terres cultivées en retiennent entre 25% et 60%#ref:208#. Bien sûr, la granulométrie de la terre a son rôle à jouer. La quantité de matière organique est également un facteur important. En effet, elle améliore significativement la rétention des nutriments contre leur lessivage lors des pluies.
Aussi, le volume occupé par la matière organique gonfle et se contracte avec les pluies et les sécheresses. Ce mouvement crée des macropores dans la terre, ce qui la décompacte et l’aère. La matière organique a également tendance à s’agglomérer avec la terre et les bactéries. Ces grumeaux peu solides retiennent à la fois l’eau, l’air et les nutriments.
Le compost stimule et diversifie la micro-vie et la macro-vie du sol
La matière organique, l’accès à l’eau et à l’air, c’est tout ce que demande la micro-vie pour proliférer. Si celle-ci est heureuse, elle sera diversifiée, elle partagera l’abondance avec les plantes et réduira l’occurrence de maladies. Elle viendra également améliorer la structure du sol par son activité (par exemple, les vers qui creusent des galeries et viennent déposer leurs défécations nutritives en surface, là où elles sont plus accessibles aux plantes).
Tous les types de matières organiques ne se valent pas en compost
On distingue 3 types de matières organiques : la matière facilement dégradable (par exemple, la matière verte), la coriace (la matière brune) et celle qui est très stable (la tourbe, la sphaigne, les écorces de résineux, bref la matière organique qui par ses tanins ou ses constituants inhibe l’activité biologique).
Avantages | Facilement dégradable | Coriace | Très stable |
Activité des organismes du sol | 👍 👍 👍 | 👍 | – |
Restitution au sol des éléments minéraux | 🚀 | 🚲 | – |
Favorise la vigueur des plantes | 🌻 🌻 🌻 | 🌻 | – |
Favorise la biodiversité des organismes du sol | 🐞 🐞 🐞 | 🐞 | – |
Structure le sol (rétention d’humidité et aération) | 👍 | 👍 | 👍 |
Longévité des bénéfices | 🐥Court terme | 😺 Moyen terme | 🦕Très long terme |
Acidifie la terre | Non 😊 | Non 😊 | Oui 🤔 |
Peut provoquer un manque temporaire d’azote dans le sol pour les plantes | Non 😊 | Oui, si on ajoute beaucoup de matière non décomposée 🤔 | Non 😊 |
Utiliser son compost – les quantités et les bons gestes
Jeune compost
Le compost jeune est un compost maison dont la décomposition n’est pas terminée. On y voit encore des restes reconnaissables, et il est plus humide qu’un vieux compost. Tous les composts commerciaux sont des vieux composts.
Réservez le compost jeune à vos plantes les plus gourmandes
Le compost jeune est extrêmement riche, il peut brûler vos cultures. Réservez-le donc aux plantes les plus gourmandes, et ne dépassez pas la dose recommandée.
Quelle est la bonne quantité à donner?
Chaque plante a ses besoins spécifiques. Référez-vous aux fiches plantes pour connaître la bonne quantité à donner.
Au fond, les plantes comme les humains profitent d’une alimentation de qualité et en bonne quantité. Comme pour nous, quand plus devient trop, on dit bonjour aux problèmes. Une plante gavée par un apport trop élevé de compost attirera insectes, champignons et maladies, qui réclameront leur part du buffet à même la plante.
Intégrer le compost à la terre
Par un travail en surface, on va mélanger le compost à la terre pour éviter la perte par érosion éolienne. L’ajout de paillis renforce la protection et produira le compost de demain.
Comment démarrer votre compost
Le compostage est un phénomène inhérent à la vie. Il se produit tout seul! Donnez du temps, de l’air et de l’humidité à vos déchets de table et autres déchets organiques, et vous finirez par avoir du compost.
Pour des raisons pratiques, on veut réunir localement la matière organique à un endroit consacré au compostage.
Bacs à compost
Ces bacs peuvent être plus ou moins coûteux. On peut aussi les faire nous-mêmes, par exemple en récupérant une vielle poubelle. Il est important que le bac ait des trous pour permettre l’aération et le drainage du surplus d’eau. On veille aussi à ce qu’il ait un volume de plus de 1m3. Pensez à ajouter des accélérateurs de compost maison.
Le tas à même la terre ou un trou au sol
Pratiquement sans coût, cette méthode a également l’avantage par sa proximité au sol d’avoir naturellement accès à toute une micro-vie déjà en place. Ce garde-manger à ciel ouvert peut, cependant, attirer les rongeurs.
Par temps chaud, recouvrez votre tas d’un géotextile pour limiter l’évaporation et ainsi garder l’humidité!
Utilisez un appareil tel que Lomi pour prétraiter les matières organiques avant de les intégrer à la terre de jardinage
À proprement parler, ces appareils ne compostent pas la matière organique. Ils la brisent et la font chauffer, ce qui en fait un fertilisant prêt pour une décomposition rapide. C’est une solution coûteuse, mais efficace pour transformer la matière organique.
Les avantages :
- Permet de récupérer la très nutritive viande
- Le substrat obtenu aide à faire chauffer le compost dans mon bac
Un compostage efficace
D’abord, c’est quoi un bon compost efficace?
C’est un processus qui transforme rapidement la matière organique (idéalement en moins de 1 mois), détruit par la chaleur la capacité de germination des graines et des pathogènes et n’est pas incommodant.
Pour y arriver, la théorie est simple. Il suffit d’apporter de la matière facilement décomposable dans un bon ratio de carbone et d’azote et de fournir un milieu humide, mais aéré, et de laisser la micro-vie du sol travailler.
Voici les astuces pour réunir ces 5 conditions.
L’humidité
Les micropores vont, par capillarité, garder l’humidité. Normalement, dans les macropores la capillarité n’est pas suffisante pour garder l’eau. Celles-ci, si le compost est bien drainé, sont plutôt réservées pour l’air. Cependant, si l’eau est en excès, elle va occuper les macropores et forcer des transformations anaérobiques qui sentent la pourriture.
Pour de bons résultats, on ajoute donc de l’eau et on prévient l’évaporation en couvrant notre compost, mais on s’assure du drainage par gravité de l’eau en surplus.
Pour contrôler l’humidité, utilisez vos mains. Visez une humidité similaire à celle d’une serviette mouillée puis essorée.
L’air
Si l’eau est bien drainée, l’air prendra place naturellement dans les macropores sans notre intervention. Mais si on veut souffler sur les braises de notre compost, on peut le brasser à l’aide d’une fourche, toutes les 2 semaines.
Matériaux à éviter
La nature finit par décomposer et assainir pratiquement tout sur terre. Mais pas nécessairement sans désagréments ni à la même vitesse.
Pour obtenir un compost efficace, évitez d’y mettre les matières suivantes :
- Matières non compostables : plastique, verre, métal
- Produits nettoyants, antibiotiques, insecticides, herbicides
- Huiles, graisses et produits de boulangerie en grande quantité (ils coupent l’air)
- Matières à décomposition longue : cœurs d’avocat, trognons de maïs, peaux d’avocats ou d’agrumes, bûches, blocs de bois, os (à moins qu’ils soient broyés)
- Viande, poisson et produits laitiers : ils attirent les vers blancs et plusieurs animaux charognards, et ils ont une mauvaise odeur lors de leur décomposition
Pour un compost sans problèmes, évitez également ces matières :
- Les plantes malades (plusieurs spores survivent au compost, surtout s’il ne chauffe pas suffisamment)
- Les défécations des animaux omnivores ou carnivores (humains, chats, chiens), qui contiennent des pathogènes qui survivent à la digestion et au compostage
- Les fumiers d’animaux végétariens (poules, vaches, chevaux, etc.) peuvent être ajoutés sans danger pour la santé, mais pas sans odeur.
Le bon ratio entre matière brune et matière verte
Idéalement, les matières de notre compost sont mélangées dans un ratio carbone / azote (C : N) de 20 : 1 #ref:228#. Pour simplifier, les matériaux de couleur verte contiennent généralement plus d’azote, alors que ceux qui sont bruns (à l’exception du fumier) sont très riches en carbone. Vous devriez donc avoir un mélange assez bien balancé si vous mettez autant de matière verte que de matière brune.
Voici des exemples de matières dites brunes avec leur ratio (C : N) :
- Feuilles mortes (50:1)
- Paille de blé (80:1)
- Sciures de bois (400:1)
- Carton brun (800:1)
Et voici des exemples de matières dites vertes, ainsi que leur ratio (C :N):
- Feuilles fraîches (30:1)
- Tontes de gazon (15:1)
- Restes de fruits et légumes (12:1)
- Fumier de cheval (25:1)
- Fumier de poule (7:1)
- Urine (0,8 :1)
Source : Le jardin de Gaïa#ref:228#
Une façon simple de contrôler son ratio C : N est d’accumuler ses matériaux verts et bruns séparément et de bâtir son compost en alternant les couches vertes et brunes pour assurer des quantités similaires.
On manque plus souvent de matière verte que de la brune. Pensez donc à collecter les tontes de gazon, les restes de table ou, pour les personnes que l’idée ne rebute pas, votre urine afin d’équilibrer le ratio C : N.
Acceptez que votre compost ne chauffe pas
Pour certains jardiniers urbains, faire des piles séparées de matière brune et verte n’est pas une option. Si on ajoute la matière organique au petit bonheur de la vie, il est fort probable que votre compost ne chauffe pas. Mais à jardinier patient et méticuleux, rien n’est impossible! Soyez simplement plus rigoureux à éviter les plantes en graines ou malades dans votre compost.
Les accélérateurs de compost
C’est quoi au juste?
Il s’agit de bactéries et de champignons sous forme sèche qui, à l’humidité du compost, reprendront vie, se nourriront et se reproduiront pour composter votre tas. C’est une bonne idée d’en ajouter, surtout si vous faites un compost en bac.
Pourquoi est-ce une arnaque de les acheter?
Les bactéries et champignons sont partout et gratuits. Gardez une petite quantité de votre ancien compost ou, mieux, ajoutez une pelletée de terre forestière prise en surface, et vous aurez les bactéries et champignons les plus performants sous votre climat.
Savez-vous quels sont les organismes responsables du compostage?
D’abord les bactéries vont, à l’aide d’enzymes, diviser les longues chaînes de sucres. Ensuite, les champignons vont digérer la lignine. Enfin, les animaux invertébrés tels que les lombrics, cloportes, mouches, acariens et escargots vont la manger et l’excréter dans une forme encore plus nutritive.
Puis viennent les décomposeurs secondaires, ceux qui se nourrissent des primaires et excréteront leur repas autant pour nourrir les plantes que les décomposeurs primaires. Ici on rencontre au niveau macro les collemboles, les ptilidae (sorte de mini coléoptères) et les acariens et au niveau micro, les nématodes.
Finalement, les décomposeurs tertiaires (ceux qui se nourrissent des secondaires), surtout des insectes tels que mille-pattes, carabes, fourmis et bien d’autres.
La terre forestière, experte du compostage et aussi championne des bactéries par gramme de terre
Dans une terre forestière en santé, on retrouvera 3 milliards de bactéries au gramme, soit plus du double que pour un sol limoneux (1,4 milliard), et moins de 0,9 milliard pour un sol sableux #ref:228#. Et c’est sans parler du mycélium, qui prospère en symbiose avec les arbres.
Les problématiques du compost
Outre la vitesse de compostage et sa capacité à chauffer, on peut voir que pratiquement tous les autres problèmes découlent soit du manque d’air ou encore de l’ajout de certaines matières problématiques.
Problématiques | Manque d’air – la décomposition est anaérobique | Matière incl. Dans le compost |
Mon compost empeste | Améliorez le drainage, brassez le compost et ajoutez du carton en petits morceaux | Évitez viande, poisson, produits laitiers et fumier animal |
Mon compost est infesté de vers blancs (hannetons nuisibles) | Évitez viande, poisson, produits laitiers et fumier animal | |
Mon compost attire la vermine | Évitez viande, poisson, produits laitiers et les matériaux coriaces comme des grosses branches | |
Présence anormale de mouches | Trop humide, favorisez le drainage et l’ajout de matière sèche | Évitez viande, poisson, produits laitiers et fumier animal |
En plus des solutions qui découlent directement d’une ou plusieurs de ces causes, voici quelques astuces :
- Alcalinisez votre compost soit avec de la chaux, du carbonate de calcium ou du sodium pour tuer les larves des hannetons
- Scellez votre compost infesté de hannetons pour éviter que ces insectes ne fassent du ravage dans votre jardin
- Optez pour un bac à compost avec un couvercle qui se verrouille pour tenir à l’écart la vermine
- Laissez votre chat se promener : lui et ses odeurs tiendront la vermine à distance
Contenu bonus pour les lecteurs qui lisent les articles jusqu’à la fin 😊
Comment la biodynamie peut favoriser la santé de votre compost
Je vous partage l’expérience directe qu’a vécue Yézid Allaya avec le compost et la biodynamie. Comme tout ce qui a trait à la biodynamie, on a des tas d’exemples (et de très bons vins) pour nous convaincre que ça marche, sans pour autant en comprendre tous les fondements scientifiques.
Dans le cadre d’un cours à sa ferme sur la méthode Hérody, à la fin du cours l’enseignant (Mr Gérard Augé, pédologue et biodynamiste émérite) a offert de dynamiser le tas de compost avec des préparations de biodynamie, les préparations 502 à 506 préalablement préparées. Ces préparations, sous forme de petites boulettes, ont été énergisées et placées à l’intérieur du tas de compost. Ensuite, on a arrosé le tas avec la préparation 507 (à base de valériane pour la mobilisation du phosphore… et une action antistress?) préalablement dynamisée par 10 minutes de brassage dans un vortex continu.
Rien de magique n’est survenu, le tas n’as n’a pas lévité ni n’est devenu phosphorescent, mais depuis ce jour, il y a 15 ans, Yézid conserve, à chaque fin de tas, une poignée de ce compost pour ensemencer celui d’après et tous ses tas de compost chauffent bien et se décomposent à bon rythme. Comme quoi, parfois la vraie magie est invisible à nos yeux d’humains rationnels et à peine perceptible depuis notre cœur.