Les infusions et décoctions sont deux techniques d’extraction des composants d’une plante par l’eau. C’est d’ailleurs la plus ancienne et la plus fréquente transformation pratiquée. C’est simple, goûteux et efficace! L’eau, en plus d’être un excellent solvant, est à la base de notre chaîne alimentaire et ne pose aucune contrainte allergique.
Quelle est la différence entre une infusion et une décoction?
Toutes deux sont des solutions aqueuses (dont le solvant utilisé est l’eau). L’infusion se prépare sous le point d’ébullition alors que la décoction sera mijotée dans l’eau frétillante.
La décoction est souvent utilisée pour les plantes ou parties de la plante plus dures qui livrent plus difficilement leurs agents actifs. Parce que l’ébullition produit de l’évaporation de l’eau, la décoction permet aussi une plus grande concentration (de certains composés – par exemple les tanins dans une crème astringente). Cela dit, la température élevée d’une décoction détruit d’autres composés actifs, donc une décoction n’est pas forcément plus thérapeutique qu’une infusion.
Choisir de faire une infusion ou une décoction, selon la partie de la plante utilisée.
Les infusions:
On fait des infusions pour les parties plus tendres comme les fleurs et les feuilles
On inclut aussi toutes les préparations où l’on veut extraire le mucilage chez les plantes émollientes. Le mucilage est facilement extrait par l’eau et ne demande pas d’ébullition. Ainsi, on profite des vertus adoucissantes des racines de la mauve – Malva maschata et de la guimauve – Althaea officinalis ou de la tendre écorce interne (cambium) de l’orme rouge – Ulmus rubra, par une infusion (même froide).
Les décoctions:
On utilise des décoctions pour les parties plus dures tel que les racines, les écorces, les branches, les graines, les aiguilles et les champignons très durs comme le chaga (Inonotus Obliquus).
Si vous désirez utiliser une plante ou une partie d’une plante généralement préparée par décoction sans faire bouillir votre préparation, il y a quelques possibilités :
Ces alternatives ne fonctionneront pas toujours. Par exemple, l’amidon ne se dissout pas (ou très peu) dans l’eau froide, ainsi votre riz demeure dur après plusieurs heures de macération à froid. Mais elles fonctionneront dans la majorité des cas.
Astuces pour avoir les meilleurs infusions et décoctions
Préférez des plantes fraîches ou fraîchement séchées
Les plantes séchées se conservent bien, par contre avec le temps (l’oxydation, la volatilisation, la lumière) vos tisanes seront plus ternes. Plus la plante sera fraîche, plus elle aura d’arôme, de saveurs, de vertus médicinales et de composés nutritifs. C’est particulièrement vrai pour les espèces aromatiques comme la mélisse – Melissa officinalis, la grande camomille – Tanacetum parthenium et le basilic – Ocimum basilicum. Cela dit, il existe de rares exceptions de plantes comme la bourdaine nerprun (Frangula alnus) où il faut attendre 1 an (ou sécher à haute température) afin que les composés toxiques se soient volatilisés.
Ajuster la quantité de plante
Nous ne sommes pas tous pareils, un enfant aura besoin d’une quantité plus petite qu’un adulte. Certaines personnes sont plus sensibles et finalement, notre goût pour les saveurs amères ou fortes varie. Mieux vaut commencer avec douceur à petite dose. Les saveurs difficiles sont souvent bénéfiques à petite dose, écoutez-vous et ne forcez pas une tisane trop intense.
N’oubliez pas qu’une plante fraîche contient entre 70 et 85% d’eau. Donc pour convertir une recette de plante sèche en plante fraîche on multiplie par 5 le poids demandé. Pour convertir une recette de plante fraîche en plante sèche, on divise par cinq. Ce n’est pas parfaitement exact, mais ça donne un bon ordre de grandeur.
Utilisez de l’eau la plus pure possible
L’eau distillée ou osmosée sera plus efficace qu’une eau minéralisée pour les infusions et décoctions (voir la section : l’eau un solvant étonnant pour l’explication chimique). Si une eau distillée ou osmosée n’est pas disponible, assurez-vous d’avoir une eau la moins polluée possible.
Les discussions à savoir si l’eau pure (H2O) est bonne ou non pour la consommation humaine ne s’applique pas, car l’eau est utilisée comme solvant. Lorsque l’infusion ou de la décoction sera prête, elle aura gagné plein de composants actifs incluant minéraux, oligo-éléments et vitamines.
Couvrir vos préparations chaudes
Les huiles essentielles ont un rôle important autant pour les arômes que sur le plan thérapeutique. Bien qu’elles soient peu ou non solubles dans l’eau, elles se volatilisent à la chaleur de l’eau. Il serait dommage de les laisser partir en fumée. Pour éviter cela, couvrez et laissez refroidir les vapeurs.
La toxicité des huiles essentielles peut faire peur à celui qui veut improviser ses tisanes. Les concentrés d’huiles essentielles sont faits à partir d’une grande quantité de plantes, et les huiles sont séparées du totum de la plante. Les vertus et dangers des huiles essentielles ne sont pas les mêmes que celles d’une plante. Lorsqu’on fait une infusion ou une décoction, on perd nécessairement certains composés qui se seront volatilisés. Ainsi la concentration en huiles essentielles d’une plante infusée sera toujours inférieure à celle de la plante fraîche, ce qui explique que l’on puisse sans danger prendre une tisane de romarin par jour alors que la prise en interne de l’huile essentielle est neurotoxique.
Pour des doses importantes et des utilisations à long terme, bien lire les posologies. Pour les consommations occasionnelles, si la plante fraîche est comestible dans une quantité donnée, son infusion est aussi sécuritaire. Si vous avez une condition particulière: femmes enceintes, allergies, prise de médicaments… il est toujours plus prudent de vérifier les précautions en lien avec une plante.
Ne pas laisser bouillir vos infusions
À température d’ébullition, certains agents actifs seront dénaturés. Une décoction n’a pas nécessairement les mêmes propriétés qu’une infusion. Cela dit, elle ne deviendra pas toxique si vous l’avez laissé bouillir. Goûtez-la et voyez quels goûts vous préférez.
Ajuster le temps d’infusion et décoction
En général, plus l’infusion sera longue plus on aura extrait de composés actifs et plus le goût sera fort (surtout l’amertume qui prend plus de temps à se développer). On ajuste donc le temps d’infusion selon nos goûts. Il est préférable de boire une tisane moins infusée plus souvent que de jeter une tisane plus nutritive.
Une plante fraîche ne se donnera pas aussi facilement qu’une plante séchée. Une bonne approximation: on peut augmenter de 50% voir doubler le temps d’infusion pour une plante fraîche et augmenter par 30 à 50% le temps de décoction pour une plante fraîche. Cela dit, rien ne vaut de goûter à la préparation pour savoir quand elle sera à votre goût.
La méthode pressée « thermos »
Si, comme moi, vous avez rarement le temps de rester près de votre casserole à vous assurer que votre eau ne passe pas le point d’ébullition, vous pouvez mettre vos plantes et votre eau réchauffée dans un bon thermos le temps de l’infusion. Et si votre thermos est muni d’un filtre, il ne vous restera plus qu’à ouvrir le bouchon pour la boire directement. Vous pourrez essayer d’observer comment le goût se modifie en fonction du temps d’infusion et découvrir vos préférences.
Macération à froid
La macération à froid consiste à mettre une plante dans l’eau sans la chauffer. Le procédé est généralement plus lent (1 à 8 heures). Pour les macérations de plus de 4 heures, il est recommandé de réchauffer la solution juste en-dessous du point d’ébullition avant de la consommer, afin de tuer d’éventuels micro-organismes néfastes qui auraient pu se développer dans l’appétissant mélange d’eau et de plantes. Les macération peuvent se préparer avec d’autres solvants comme l‘alcool et l’huile qui sont couverts dans d’autres articles.
L’eau froide peut dissoudre les sucres, les protéines, les mucilages, la pectine, les tanins (et la plupart des sels minéraux).
Infusion solaire
Une infusion solaire est une macération à froid où l’on a laissé la solution aqueuse profiter des rayons du soleil. Les jardiniers connaissent bien cette technique qui transforme leur eau en délicieux cocktail. Cette technique un peu poétique est appréciée des personnes intéressées par les énergies subtiles, car elle nous rapproche de l’énergie de la plante.
L’eau un solvant étonnant
La polarité de l’eau lui permet d’attirer les charges positives et négatives
La molécule est composée d’un atome d’oxygène (positif) qui attire les particules négatives et de 2 atomes d’hydrogène (négatif) qui attirent les particules positives. C’est grâce à cette polarité que l’eau arrache les composés de la plante pour les dissoudre dans l’eau. Dans une eau minéralisée les sels minéraux sont dissous dans l’eau, prenant pour ainsi dire la place des composants de la plante, et diminuent la capacité de solvant de l’eau. Plus l’eau est pure, meilleur est le solvant!
L’eau est un mauvais solvant pour toutes les substances non polaires (tels que les huiles). Il faut alors d’autres solvants tels les huiles, l’alcool, les vinaigres. Il n’y a pas de solvant absolu. Si l’alcool est meilleur pour dissoudre les huiles, il est inefficace pour les mucilages… d’où l’importance de connaître les composés actifs recherchés et parfois de multiplier les méthodes d’extraction.
Reconnaître les critères de qualité des plantes
Des plantes de qualité bio
L’eau peut également libérer les composants chimiques (pesticides, colorants, parfums). Donc il va sans dire que l’on a avantage à chercher des plantes issues de milieux sains et naturels.
Rappelez vous qu’une plante qui vient de cueillette sauvage n’est pas plus bio que le lieu où elle a été cueillie. C’est encore une question de confiance envers le cueilleur.
Les plantes importées ont généralement été certifiées selon les règles du pays où elles ont été produites. Tous les produits bio ne sont pas équivalents. Rechercher les productions locales est préférable.
Les plantes sauvages ou de culture?
Les plantes sauvages ont souvent bonne réputation: ayant été moins arrosées et nourries, elles ont dû développer un système racinaire plus profond et capter une plus grande diversité de nutriments que les plantes élevées en culture optimisée. Cela dit, certaines cultures naturelles dans des sols vivants offrent d’excellentes plantes médicinales.
Personnellement, je préfère la plante avec laquelle j’ai un lien. Si j’ai cultivé ou cueilli moi-même une plante, je lui offre un milieu sain et diversifié, je développe un lien respectueux avec elle. La plante devient une alliée, une amie plutôt qu’un bien de consommation. C’est comme les plats préparés avec amour qui conservent un avantage intangible, mais réel sur ceux des grandes chaînes de restauration. De plus, lorsque vous irez cueillir ou cultiver une plante, vous allez l’apprivoiser, apprendre à distinguer son odeur, sa couleur, ses formes et peut-être même son énergie. Avec un peu d’observation, vous saurez faire des cueillettes sélectives pour ne cueillir que ce qu’elle vous offre et qui est à son apogée, sans l’affaiblir.
Si vous n’avez pas accès à la plante vivante et que vous devez acheter une plante, utilisez la vue et l’odorat pour en évaluer la qualité. Recherchez des plantes reconnaissables (non réduites en poudre) avec une odeur et une couleur pimpantes. Essayez d’acheter local et si possible, parlez au producteur ou renseignez-vous sur l’entreprise qui la produit.
La conservation
Les solutions aqueuses
L’eau est source de vie. Ce n’est pas seulement vrai pour les humains, mais aussi pour les micro-organismes. Une solution à base d’eau et à température modérée est idéale pour les enzymes, moisissures et bactéries, etc. Il n’y a pas de danger à consommer une solution fraîchement refroidie. À température pièce la solution se conservera de 4 à 6 heures. Au réfrigérateur jusqu’à 3 jours, mais elle sera réchauffée (jusqu’au frétillement de l’eau) avant sa consommation. Si vous voulez la conserver plus longtemps, vous pouvez la congeler ou y ajouter des conservateurs tel que du sucre, du miel et de l’alcool (c’est ce qui s’appelle faire un sirop)!
Les plantes séchées
Pour plus d’information sur les méthodes de séchage et de conservation des plantes séchées, voir l’article sur le séchage.
Les bons outils pour les infusions et les décoctions
Évitez si possible l’aluminium dans votre cuisine incluant le chaudron et les mijoteuses.
Un bon thermos: il y a plein d’options sur le marché. Personnellement, j’aime les modèles avec une double paroi de verre, qui ont un filtre intégré et qui se nettoient facilement. Les doubles parois de verre offrent un bon isolant pour ne pas perdre la chaleur et le verre permet de voir la couleur que prend l’infusion et de mieux maîtriser le temps d’infusion. Ils sont par contre cassants et lourds.