La grande camomille est pour moi une vieille amie au jardin, toujours en santé et en fleur. Cette plante médicinale en forme de mini arbuste compact, à floraison prolongée, est la grande experte des migraines. Côté culture, elle ne pose aucun souci au jardin, si ce n’est que de se ressemer un peu trop.
En France, on l’appelle partenelle. Les fleurs, en jolies petites marguerites, se ressemblent sur les différentes plantes appelées camomille. Mais à l’odeur et au goût, vous allez vite découvrir la différence entre le doux et mielleux goût des camomilles allemande (Matricaria recutita) et romaine (Chamaemelum nobile) et celui, amer, de la grande camomille (Tanacetum parthenium). On la classe comme une plante aromatique, mais elle est tellement amère qu’elle plaît rarement, sauf en petite quantité. Son amertume lui donne aussi l’avantage de ne pas être mangée par les chevreuils.
Cela dit, que vous la cultiviez pour son attrait ornemental ou encore pour traiter vos migraines, la grande camomille est une vivace fiable et facile qui a beaucoup à offrir.
C’est une plante qui s’adapte bien à plusieurs types de sols et qui n’est pas très gourmande. Elle préfère cependant les zones ensoleillées, dans un sol léger neutre ou légèrement basique et bien drainé.
Chez nous, elle reçoit de la mi-ombre dans une terre plutôt lourde et riche et malgré tout elle est magnifique tout au long de l’année. Seulement, parce que la terre est trop riche pour elle, elle est parfois la cible de pucerons au printemps. Mais cela sert à attirer les syrphes, qui contrôlent ensuite les populations de pucerons dans tout mon jardin. Le tout, sans demander une action de ma part pour les réguler!
Bref, une fois installée au jardin, c’est une plante qui s’adapte à bien des situations. Il ne faut toutefois pas la laisser dans de l’eau stagnante ni dans une zone d’ombre profonde.
Si vous ne récoltez pas les sommités fleuries, il pourrait être judicieux de couper les fleurs fanées. Cela réduira la quantité de semis que produira la plante. En effet, elle fait partie des astéracées, la même famille que le pissenlit et la marguerite. Ce que le commun des mortels appelle fleur est en réalité un capitule composé de quelques centaines de fleurs tubulaires (chaque petit point jaune au milieu) et de fleurs ligulées (ce que nous prenons pour des pétales). Lorsque la pollinisation a lieu, chacune de ces fleurs produit une graine. Comme la grande camomille produit pendant tout l’été des dizaines de fleurs, vous pouvez faire le calcul du nombre de graines qui ont le potentiel de germer. (Voir Est-ce envahissant pour plus de détails)
La grande camomille est une plante qui n’a aucune difficulté à être cultivée en pot. Elle peut aussi être rentrée pendant l’hiver si vous êtes un migraineux qui désire la consommer régulièrement.
Plante bio-indicatrice
Vous n’avez pas semé la grande camomille, et vous la retrouvez à foison chez vous? Ceci pourrait être une indication que votre sol a beaucoup de minéraux alcalins tels que la potasse, le magnésium et le calcium. Votre terre pourrait aussi perdre beaucoup de ses nutriments par lessivage. Cette présence pourrait en outre indiquer un manque de matière organique (humus) dans le sol#ref:154#. La grande camomille est donc une plante indicatrice d’un sol d’une bonne vitalité, mais un meilleur apport en humus lui serait bénéfique.
Si vous possédez un plant de grande camomille et que vous en voulez plus, laissez la nature vous combler et au printemps, transplantez les bébés à l’endroit recherché.
Si vous désirez avoir un plant et n’avez pas d’amis qui en ont, il est très simple de faire un semis intérieur ou un semis direct. Les graines doivent rester en surface, car elles ont besoin de lumière pour germer. La germination a lieu en 2 semaines environ. Si vous avez fait des semis intérieurs, attendez que les risques de gel soient écartés et habituez graduellement votre plante au soleil et au climat avant de la transplanter.
Il y a beaucoup moins de littérature sur les plantes compagnes de la grande camomille. On sait qu’elle attire les syrphes, ce qui est en général utile si vous avez des infestations de pucerons.
Pour en savoir plus sur les syrphes
Les syrphes forment une famille de mouches pour la plupart très utiles au jardin. Vous les avez d’ailleurs probablement déjà vues : elles ont un camouflage qui les fait passer pour des abeilles ou des guêpes (avec leur abdomen jaune rayé noir), mais elles n’ont qu’une paire d’ailes. Les syrphes aiment poser leurs milliers d’œufs au milieu des colonies de pucerons, pour donner de la nourriture aux larves des syrphes. Chaque asticot mangera de 200 à 800 pucerons avant de muer#ref:211#. Outre la lutte aux pucerons, les syrphes sont de bonnes pollinisatrices. Certaines jouent également un rôle dans la transformation des végétaux en compost.
Et comme toujours, on évite de la laisser en compagnie des plantes de sa propre famille des astéracées. Par exemple: tanaisie, absinthe, artichaut, calendule, chicorée, chrysanthème, échinacée, marguerite, œillet d’Inde, tagète, tanaisie, etc.
Tout comme pour la tanaisie, on peut utiliser la plante fraîche, son infusion ou une teinture alcoolisée de la grande camomille comme chasse-moustiques. D’ailleurs, mon intuition me dit que les plantes amies de la tanaisie sont probablement également de bonnes compagnes pour la grande camomille.
Est-ce envahissant ?
Chez moi, je récolte une partie des sommités fleuries pour en faire des teintures et quand je vois des fleurs défraîchies, je les coupe avant qu’elles ne produisent des graines. De plus, toutes mes plates-bandes ont d’épais couverts de paillis, ce qui limite grandement la capacité des plantes qui se ressèment de se reproduire. Malgré tout, ma grande camomille me donne chaque année 2 ou 3 bébés plants, que je redonne. Chez moi, elle n’est donc pas envahissante, mais une collaboratrice de tisane et jardin s’est retrouvée avec une centaine de bébés plants qui tentaient de pousser à travers son pavé uni. Au mauvais endroit, elle a donc réellement le potentiel de vous envahir de ses magnifiques petites fleurs blanches.
Les jardiniers qui la cultivent pour leurs migraines vont généralement l’empêcher de faire des fleurs, afin d’avoir la plus belle qualité de feuilles. Dans ce cas, il n’y a bien sûr aucun risque d’envahissement.
Ne pas confondre les différentes camomilles
La camomille allemande, tout comme la grande camomille, se dresse alors que la camomille romaine est rampante. Côté feuillage, celui des camomilles romaine et allemande est fortement découpé. Cependant, celui de la camomille romaine est plus fourni que celui de l’allemande. Quant à la grande camomille, son feuillage est également découpé, mais sa forme évoque celle des plumes d’oiseau avec des segments ovales qui sont, eux, lobés. Le goût amer de la grande camomille la distingue également des deux autres, qui ont un goût sucré.
Historique, tradition, origine du nom de la plante
La grande camomille est une plante dont les usages médicinaux remontent à l’Antiquité. Son nom anglais « feverfew » nous porte ainsi à croire qu’elle a été utilisée pour régulariser la fièvre. On émet aussi l’hypothèse que son nom anglais viendrait de « featherfoil », car la morphologie de la feuille évoquerait les plumes d’oiseau (avec un peu d’imagination)#ref:162#.
Originellement, elle était utilisée pour les problèmes d’arthrite, pour provoquer les menstruations, faire évacuer les fœtus morts en couche, pour favoriser la digestion et pour réduire les problèmes d’asthme (Culpeper, N.).
La grande camomille est une plante fortement amère, ce qui en fait donc une plante digestive et apéritive. On l’utilise ainsi avec une grande parcimonie. Elle pourrait être utile pour remettre un peu d’équilibre à une sauce trop grasse. J’ai aussi vu quelques distillateurs l’utiliser pour faire des alcools forts. Ceci dit, elle est rarement utilisée en cuisine, car son goût ne plaît généralement pas. Également, une consommation régulière en grande quantité cause des aphtes buccaux chez plusieurs personnes.
Comme plante amère, elle pourrait donc être utile pour favoriser la digestion et l’appétit . Elle aurait aussi un effet bénéfique sur l’arthrite et l’inflammation (notamment au niveau crânien) en général. Mais aujourd’hui, elle est principalement utilisée comme la spécialiste des migraines.
Aujourd’hui, de nombreuses études sérieuses (randomisées, à double insu, multicentriques, avec placebo) faites chez l’humain permettent de valider son efficacité#ref:162#. On explique en partie les résultats à cause de ses actions à divers niveaux :
- Neuromédiateurs (inhibition de la libération de la sérotonine et de l’histamine par les plaquettes, faible affinité pour les récepteurs 5HT2A et un taux élevé de la mélatonine)
- Action au niveau vasodilatateur
- Anti-inflammatoire crânien
Notez que la grande camomille est vraiment l’une de ces plantes où le totum de la plante est plus efficace que la somme de ses constituants.
Il est important de consulter un médecin si vous souffrez de migraines, pour en connaître la cause et leur niveau de dangerosité.
Également, selon la cause de la migraine, on peut utiliser la grande camomille en synergie avec d’autres plantes. En voici quelques exemples tirés du Grand manuel de phytothérapie :
- Saule – générique pour toutes les migraines
- Griffonia – céphalées de tension
- Radis noir – problèmes hépatiques
- Fumeterre – digestion
- Sauge sclarée – insuffisance oestrogénique
- Millepertuis – contexte dépressif
- Aubépine – terrain sympathicotonique et anxieux
- Ginko biloba – hypersensibilité à la douleur, fibromyalgie
La façon la plus simple d’utiliser la grande camomille est de manger 1 à 3 feuilles par jour (lire le paragraphe Restrictions pour les pauses recommandées). Pour ceux qui utilisent des teintures, on prend selon les sources et les sensibilités de 1 ml (15 à 20 gouttes) à 5 ml (60 à 100 gouttes), 1 à 3 fois par jour.
Transformation et conservation
La grande camomille perd rapidement (graduellement à l’intérieur de 6 mois) son efficacité sous forme séchée. C’est pourquoi je ne recommande pas son usage en poudre.
Si vous ne pouvez pas garder un plant chez vous, l’idéal est de la manger fraîche ou de la conserver sous forme congelée. Il est également possible d’en faire une teinture ou un concentré liquide à base de vinaigre. On retrouve davantage d’études sur les teintures à base alcoolisée. J’ai cependant de bons résultats avec les concentrés dans le vinaigre à 8%, qui est à mon avis meilleur gustativement.
Comme c’est une plante emménagogue qui était autrefois utilisée pour faciliter l’évacuation du fœtus et du placenta lors des fausses couches (ces usages ne sont plus actuels : parlez à une sage-femme ou un médecin pour ces soins), la grande camomille est à bannir pour la femme enceinte et celle qui allaite. Les personnes qui sont allergiques aux astéracées doivent aussi s’en abstenir.
L’usage prolongé de la grande camomille peut créer, chez 10% des utilisateurs, une dépendance et des effets secondaires tels que l’anxiété, des douleurs articulaires ou musculaires, des aphtes et de la difficulté à dormir #ref:144#. Pour réduire le risque d’occurrence de ces effets, prenez des pauses : 1 jour par semaine, 1 semaine par mois et 1 mois par année.
Les effets secondaires devraient cesser avec l’arrêt de la consommation de la grande camomille.
Effets secondaires possibles, mais très rares : enflure des lèvres, nausée, vomissement, hypersensibilisation. Ces réactions apparaissent généralement la 1re semaine d’utilisation#ref:140#.
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