Les journées qui raccourcissent, la température qui diminue et la rentrée des enfants à l’école annoncent à n’en point douter l’arrivée prochaine de l’automne et donc, la fin de la pleine saison au jardin.
Au moment de rédiger ce dernier article, je me suis posé la question de quelle avait été l’information la plus marquante de cette moitié d’année. Quel sujet d’importance méritait la page de fin de cycle? Quelle gourmandise pourrais-je vous servir en guise de dessert, qui vous marque au point de susciter le goût d’y revenir ?
La réponse est pour moi évidente. Si je dois aujourd’hui vous parler du sujet qui m’aura le plus marqué cette saison, c’est sans aucun doute celui des pollinisateurs.
Pourquoi les pollinisateurs ?
Et bien pour 2 raisons: la première est évidemment en lien avec ma mission principale au sein de l’équipe de tisane et jardin, qui est de rédiger les fiches nuisibles qui serviront bientôt aux utilisateurs pour défendre leurs cultures. La deuxième raison est la formation de l’Office français de la biodiversité à ce sujet, qui m’a alerté sur la situation et donné l’envie de m’engager pour cette noble cause.
Rédiger les fiches nuisibles
Un travail de fourmi passionnant et riche de découvertes. Qui satisfait en même temps ma soif de découvertes et ma passion enfantine pour les chasses au trésor. Ça commence par le travail de bibliothèque; de recherche des informations existantes; de la vérification et du tri. Puis vient l’exercice de synthèse et de reformulation, pour aider au final le lecteur à trouver la meilleure réponse possible.
Une fois la fiche rédigée, il faut rechercher les photos et les images qui illustrent le mieux le “portrait-robot” des individus recherchés ! Avec la difficulté de rester libre de droits à l’image pour maintenir un contenu accessible à tous. Alors, dès que possible, je me suis mis à en prendre moi-même des photos, pour les céder à tisane et jardin. Ce qui m’a offert de nombreux moments à chercher, guetter et observer les insectes dans leur milieu, et dans un monde à leur échelle.
Cet article reprend donc mes meilleurs clichés de la saison, et aucun d’entre eux n’a été retouché, afin de conserver la beauté naturelle de ces insectes…
La contamination par le virus de la passion pour ces bestioles a été foudroyante et radicale.
Le MOOC “pollinisateurs”
Grâce à cette formation, j’ai pu apprendre les connaissances basiques qui permettent de comprendre et d’observer mon jardin à travers le prisme de ce chaînon essentiel au cycle de la vie, aujourd’hui en grandes difficultés.
90% des plantes à fleurs ont besoin d’animaux pour transporter leur pollen, surtout des insectes, et la large diversité des plantes présentes dans notre assiette dépend de ce transport.
Or, nous avons perdu 75 % de la biomasse d’insectes lors de ces 30 dernières années et une partie de ceux qui restent est menacée d’extinction.
La compréhension des mécanismes de leurs interventions, et du caractère indispensable de leur présence est évidemment un élément majeur pour intégrer les impérieuses raisons de leur protection, mais au fil de la saison, j’ai pu aussi repérer d’autres éléments moteurs : il s’agit tout simplement de leur beauté, de leur diversité, de la fascination qu’ils exercent, de la crainte qu’ils inspirent parfois, de l’impossibilité pour nous, en tant qu’Humains, d’être indifférents à leur présence.
Je leur dédie donc cette dernière chronique, pour toutes ces rencontres passionnantes qu’ils m’ont fait vivre cette saison.
Dis Papa, comment on fait les bébés ?
Rappelons ici le b.a.-ba de la reproduction sexuée des plantes.
Toutes les plantes terrestres possèdent des organes de reproduction liés à la reproduction sexuée. Les organes mâles produisent des gamètes mâles, équivalents des spermatozoïdes, tandis que les organes femelles produisent des gamètes femelles, équivalents des ovules. Ce qui varie entre les groupes de plantes (mousses, fougères, conifères, plantes à fleurs), c’est la structure et l’organisation de ces organes de reproduction.
Les plantes à fleurs, les plus répandues sur Terre, se distinguent, comme leur nom l’indique, par la présence de fleurs. Ces fleurs se composent de deux parties stériles, les sépales et les pétales, ainsi que d’organes fertiles, notamment les étamines qui produisent les gamètes mâles dans le pollen, et le pistil qui produit les gamètes femelles et qui se transformera en fruit contenant les graines après la fécondation.
Certes, certaines fleurs sont capables de s’autoféconder (en utilisant leur propre pollen), mais sinon, comment font les plantes pour transporter le pollen d’une fleur à l’autre sans se déplacer ? Elles ont recours à des services extérieurs: le vent pour environ 10% et les animaux, en particulier les insectes, pour les 90% restants.
Alors qui sont ces pollinisateurs ?
Quand on parle d’eux, on pense d’abord à l’abeille, voire aux papillons, mais n’importe quel organisme peut être un pollinisateur, pour peu qu’il visite les fleurs et trimballe le pollen de l’une à l’autre.
C’est ce que font déjà certains agriculteurs, pour la courgette, par exemple ou la vanille.
Les pollinisateurs sont donc très diversifiés. Certains dépendent complètement des fleurs, voire d’une seule espèce, d’autres iront sur les fleurs à un seul moment de leur vie. Certains restent autour de leurs nids, d’autres transportent du pollen sur des kilomètres.
On les regroupe en 4 groupes principaux: les lépidoptères, c’est-à-dire les papillons; les diptères, qui désignent les moustiques et les mouches (dont les syrphes); les coléoptères, qui regroupent les scarabées et autres insectes à élytres (aile antérieure très dure); et enfin les hyménoptères, qui rassemblent les abeilles, les fourmis et les guêpes. Au début, on s’y perd un peu avec tous ces noms en “ptère”, mais avec un peu d’entraînement, ça se retient bien.
Et tous ces insectes ont des besoins variés et consomment des ressources différentes dans la fleur. Le pollen est riche en protéines, parfois utilisé pour leur alimentation, et le nectar très riche en sucre, le carburant nécessaire pour voler.
Donc, avant de voir les insectes, passons en revue le menu du garde-manger:
Les zinnias, 1er prix de la fleur la plus fréquentée cette saison dans mon jardin
Véritables baraques à poutine de bord de route, ils accueillent des visiteurs à toutes les heures de la journée, qui s’organisent dans un balai virevoltant d’ailes diverses et variées qui se posent sur ces “insectoports” colorés:
Arrivent ensuite sur le podium:
Et même celles dont le nectar paraît plus difficile d’accès:
Les interactions entre les plantes et les insectes sont diverses et parfois très complexes.
Par exemple, certaines orchidées du genre Ophrys imitent des insectes pour faciliter la pollinisation.
De même, les arums développent des stratégies sophistiquées pour attirer leurs pollinisateurs. Tandis que les figuiers dépendent entièrement d’un pollinisateur spécifique pour leur survie. Cette variété d’interactions souligne l’importance de la diversité des pollinisateurs pour la préservation de certaines espèces végétales.
Les pollinisateurs: les merveilleux lépidoptères: les papillons
Les lépidoptères ou papillons se caractérisent par leurs ailes couvertes de minuscules écailles souvent très colorées. On les divise généralement en 2 grands groupes: les papillons dits “de jour” et ceux dits “de nuit”. Ils possèdent pour la plupart une trompe qui leur sert à aspirer le nectar dont ils sont de grands buveurs. Mais leurs chenilles mangent aussi les feuilles. On en compte environ 5000 espèces en France et 2700 au Québec (dont seulement 131 espèces « de jour”).
Les pollinisateurs: les impressionnants diptères: mouches et moustiques
Les diptères ont, comme leur nom l’indique, 2 ailes à proprement parler. Les ailes antérieures membraneuses sont bien visibles, alors que les ailes postérieures sont réduites en “balanciers” aussi appelés “haltères”. Ces dernières sont utiles dans le vol pour l’équilibrage et la direction. On sépare les diptères en 2 groupes: les moustiques et les mouches. On en compte environ 8000 espèces en France et 17 000 espèces en Amérique du Nord. Ces insectes peuvent ingérer du pollen, mais le nectar est leur ressource principale.
Comment se fait-il que les mouches de ces photos soient presque toutes déguisées en abeilles ?
Eh bien, c’est parce que les abeilles et autres guêpes sont connues par les prédateurs pour leurs piqûres.
Les mouches les plus malines ont donc au fil de l’évolution emprunté leur aspect ! Pas folle la guêpe mouche !
Les pollinisateurs: les fameux coléoptères: scarabées, longicornes, coccinelles…
Les coléoptères se caractérisent par leurs ailes antérieures totalement coriaces, appelées élytres, formant une solide carapace qui protège les ailes postérieures utilisées pour voler (coléoptère signifiant “étui” et “ailes”). Ainsi, au repos, les ailes postérieures sont pliées sous les élytres et ne sont pas visibles. On peut les voir lorsque l’insecte vient d’atterrir ou de s’envoler.
Ils possèdent des pièces buccales broyeuses qui leur permettent de consommer des aliments solides très variés comme le bois, les feuilles, les racines, etc. La forme de leurs antennes est un élément important de leur identification. On en compte environ 9600 espèces en France et 8200 au Canada.
Les pollinisateurs: les fascinants hyménoptères: abeilles, guêpes et bourdons
Les hyménoptères ont 2 paires d’ailes membraneuses couplées 2 par 2 par une série de petits crochets (d’où leur nom, hyménoptère signifiant “mariage” et “ailes”) ce qui donne souvent l’impression que l’insecte n’a que 2 ailes au lieu de 4. Ils possèdent un appareil buccal qui leur permet d’absorber les aliments liquides comme le nectar. La plus connue d’entre eux étant la fameuse abeille mellifère (Apis mellifera). Mais il en existe environ 8000 espèces en France et 18000 en Amérique du Nord.
Devinette pollinisateurs
Parmi toutes les photos précédentes de pollinisateurs, j’ai volontairement glissé 2 intrus qui n’en sont pas ! Les avez-vous reconnus ? De qui s’agit-il ? (Réponse en fin d’article).
Pollinisateurs: agir efficacement et simplement, partout et à tous les niveaux
- Favoriser une flore locale, planter ou laisser croître arbres et arbustes
Il faut donc des fleurs et les arbres, les arbustes et autres ligneux en sont de bons pourvoyeurs, si possible avec des floraisons décalées dans le temps pour fournir des ressources tout au long de l’année: chêne, érable, frêne, saule, tilleul… et parmi les arbustes: aubépine, cornouillers, fusain, noisetier, prunellier, troène, viorne… Enfin, ronce et églantier sont également de grands pourvoyeurs de fleurs et de fruits.
- Adapter les espaces aux usages
Ne tondez plus, préférez la fauche, et encore seulement aux endroits nécessaires. De plus, de nombreux insectes, et notamment les papillons sont nocturnes. Ils seront donc à la recherche de nourriture une fois la nuit tombée. Mais ils sont très perturbés par les lumières permanentes. Aussi, lorsqu’ils ne sont pas utiles, veillez à éteindre les éclairages nocturnes.
- Diversité des habitats, des ressources et des modes de culture
Les plantes aromatiques peuvent proposer une ressource nectarifère intéressante tout en ayant un attrait esthétique et une plus-value comestible ou médicinale.
Sur les haies, les murs, les poteaux, et les clôtures, laissez pousser les lianes, les lierres et les plantes grimpantes.
Pour qu’une haie joue un rôle écologique plein, laissez-la se développer sur 2 à 3m de largeur au minimum. Rappelons d’ailleurs que pour leur bon développement, les arbres n’ont nullement besoin d’être taillés. Les interventions d’entretien peuvent se limiter aux branches qui pourraient gêner ou représenter un danger. Par ailleurs, les haies monospécifiques d’exotiques comme le cyprès, le thuya ou le laurier cerise n’ont aucun intérêt pour les pollinisateurs et la biodiversité. Il est donc essentiel de les bannir. Attention aussi aux plantes exotiques envahissantes telles que le buddleia, la renouée du Japon, la solidage… Même si certaines sont attractives pour les pollinisateurs, leur côté envahissant gêne l’installation d’une flore indigène diversifiée.
- Les cultivars des espèces horticoles présentent peu d’intérêt pour les pollinisateurs
L’idée n’est pas forcément de remplacer toutes les espèces horticoles et exotiques par des espèces sauvages. Mais de laisser plus la place aux espèces sauvages et de planter ou semer en mixant horticoles et indigènes. Cela ramène une fonctionnalité écologique dans des milieux très artificiels qui n’accueillent que peu de biodiversité.
Privilégiez des plantes vivaces, qui vivent plus de 2 années.
Les habituels pélargoniums, pétunias, mais aussi lauriers-roses n’ont aucun intérêt pour les pollinisateurs.
En conclusion:
Un espace propre, bien nettoyé, avec des fleurs horticoles en massifs n’est pas utile pour les pollinisateurs. Et peut même être délétère. La nature regorge de réponses pour enrayer le déclin des pollinisateurs. La solution consiste donc à accepter une large part de végétation spontanée: laisser faire plutôt que de toujours faire.
”Charité bien ordonnée commence par soi-même”. Je mets donc immédiatement mon conseil en application, accompagné par mon fidèle coach en ”vivre le moment présent” ! Merci de m’avoir suivi tout au long de ces chroniques.
Réponse devinette sur les pollinisateurs:
(Crédit photos: Yézid Allaya)