J’aime l’astilbe, sa floraison en forme de plumeau qui se décline dans plusieurs teintes et des temps de floraison étalés sur toute la belle saison. C’est l’amie des jardiniers débutants, parce qu’elle est très facile à réussir. C’est aussi celle des paysagistes, étant une plante de mi-ombre qui offre des floraisons des plus spectaculaires, dans une grande variété de hauteurs et de couleurs. Elle est aussi aimée des permaculteurs, qui laissent la plante se décomposer au sol pour remettre en surface les différents minéraux qu’elle extirpe des profondeurs du sol. Finalement, tout le monde profite de sa qualité de vivace facile à reproduire pour développer la maturité des écosystèmes de façon relativement rapide et économique.
Pour les nombreuses personnes qui en ont déjà chez eux, je décris ici comment en prendre pleinement avantage, et pour les autres qui hésitent encore, je vous encourage à engager une relation avec cette belle plante. Comme une amie de confiance, elle vous donnera beaucoup d’agrément sans jamais causer de stress.
On lit trop souvent que l’astilbe est une plante d’ombre. L’astilbe va plutôt exceller à la mi-ombre. Il y a bien des cultivars qui tolèrent mieux l’ombre complète, comme A. chinensis ‘Pumila’, mais l’ombre complète va nuire à la floraison et ralentir la croissance de la plante. À l’opposé, l’astilbe peut être magnifique en plein soleil, à condition d’avoir continuellement un sol frais et humide. Bref, si vous voulez cultiver votre astilbe en version « low maintenance », offrez-lui un endroit semi-ombragé où on lui donne au moins 2cm de compost et un épais paillis chaque printemps. Et voilà, il ne vous reste plus qu’à en profiter durant toute la belle saison.
L’astilbe n’est pratiquement attaquée par rien, que ce soient les maladies ou les animaux. Même les chevreuils ne la broutent qu’en cas de grande famine. La seule chose que craint l’astilbe est la sécheresse. On voit rapidement que la plante manque d’eau lorsque le pourtour de la feuille (le limbe) sèche et devient brun.
Attention : l’astilbe aime les sols humides, mais ceux-ci doivent être bien drainés. Si l’eau y stagne, ses racines vont pourrir. Les astilbes sont confortables dans les terreaux acides et neutres, mais s’adaptent plus difficilement aux terreaux basiques (et même encore…).
Couper ou ne pas couper la tête des astilbes aux fleurs fanées ?
Grande question philosophique ! En général, couper les fleurs fanées empêche la plante de produire des graines. Plusieurs plantes mobilisent une grande part de leurs ressources pour produire les graines. Lors de cette période, elles sont généralement plus vulnérables face aux insectes et aux diverses maladies. De plus, une fois créées, certaines graines vont se ressemer.
On laisse donc généralement les fleurs fanées si on veut récolter les fruits ou les graines, ou si on ne veut pas priver la plante des plaisirs de l’enfantement. À l’opposé, on les coupe si on espère de nouvelles floraisons, si on craint d’être envahi par des semis volontaires et si on veut les plants les plus vigoureux possibles.
Cependant, la plupart des cultivars d’astilbe sont stériles. Ils ne s’épuisent donc pas à la production de graines. Par conséquent, il n’y a pas beaucoup d’arguments techniques en faveur ou contre le fait de retirer les fleurs fanées. C’est une question purement esthétique. Le jardinier paresseux préconise de les laisser, et j’ai vu les bénévoles du Jardin botanique de Montréal les couper. Pour ma part, je trouve les inflorescences séchées très élégantes et c’est ma façon à moi d’étirer le spectacle de leur beauté.
Mis à part l’espèce chinensis, qui va s’étendre un peu plus rapidement, les astilbes ont généralement une croissance plutôt lente, mais on peut l’accélérer en divisant les rhizomes. Chaque morceau qui contient un œil peut devenir un nouveau plant. Un plant mature peut vous donner jusqu’à 10 jeunes plants.
Attention : les rhizomes sont coriaces et vont demander des outils coupants et puissants pour les diviser. Pour les plus jeunes plants, un puissant sécateur peut fonctionner. Mais avec un plant mature, n’hésitez pas à utiliser une hachette ou une petite scie.
Comme la plante est sensible aux sécheresses, les plants récemment séparés le sont encore plus. C’est pourquoi il est préférable de les séparer tôt au printemps ou à l’automne. Une fois séparés, on les replante rapidement, après avoir amendé la terre d’une généreuse portion de compost et fourni un bon arrosage.
Comme la majorité des plants d’astilbes vendus dans le commerce sont des cultivars issus d’hybridation, leurs graines ne seront généralement pas fidèles au genre, et plusieurs cultivars ne seront tout simplement pas fertiles du tout.
Si vous avez des plants des espèces souches, il vous sera possible de les reproduire par semis. Les graines doivent être placées en surface et peuvent prendre un mois pour germer. Votre plant prendra probablement 2 ans pour fleurir. Les graines sont relativement difficiles à trouver dans le commerce…
Mon conseil : à l’exception des experts qui veulent faire leur propre expérience d’hybridation, la reproduction par division de rhizome est bien plus rapide, facile et vous donnera des fleurs plus rapidement !
En permaculture
Deux aspects rendent l’astilbe intéressante pour le permaculteur.
L’astilbe contient beaucoup de minéraux
L’astilbe vient, avec ses racines et ses amis (mycorhizes, bactéries, etc.), extraire des profondeurs du sol les minéraux suivants en quantité intéressante : le phosphore, le calcium, le soufre, le magnésium et le fer. Ces minéraux sont répartis dans les parties aériennes de la plante et retourneront à la surface du sol (là où ils seront beaucoup plus biodisponibles pour les autres plantes) lors de la décomposition des parties aériennes de la plante pendant l’hiver. C’est donc probablement l’un des plus beaux engrais verts disponibles, à condition de ne pas ramasser ses feuilles. Mais comme l’astilbe n’est à peu près jamais malade, il n’y a aucun intérêt à les ramasser.
À noter : si vous voulez des astilbes spectaculaires, aidez-les en leur donnant tout de même une bonne épaisseur de compost tous les printemps. Elles seront plus en santé et développeront autant leurs racines que leurs parties aériennes. Évitez toutefois les engrais solubles, qui nuisent à la microvie pour extraire les nutriments des profondeurs du sol.
L’astilbe est une plante vivace
En permaculture, on préfère les vivaces aux annuelles. Premièrement parce qu’elles demandent moins de soins et sont économiques à long terme, mais surtout parce qu’en restant en place, la plante développe son système racinaire et s’intègre mieux à l’écosystème en place. Favoriser les plantes vivaces, c’est donc aider à développer la maturité de notre écosystème.
Variétés et cultivars
Il est évidemment impossible de détailler ici les centaines de cultivars disponibles dans le commerce. Pour la majorité, ce sont des hybrides tellement croisés qu’on ne vous donne même pas les espèces qui en sont à l’origine. Vous devrez vous fier aux étiquettes pour la période de floraison et la couleur de celle-ci. Dans le cas des astilbes, c’est malgré tout une option sécuritaire puisque tout le genre est relativement polyvalent et facile de culture. Pour ceux qui utilisent l’application tisane et jardin, j’ai créé 4 sous-classes d’astilbes en fonction de la période de floraison. Ceci vous aidera à créer des aménagements en fonction de cette période. Lorsque vous achetez votre espèce, choisissez simplement l’astilbe dont la période de floraison est compatible avec votre plant. Renommez ensuite la surface pour conserver le nom de votre cultivar.
Cinq espèces d’astilbes à rechercher
Astilbe biternata (Vent.) Britton ex Kearney
C’est la seule espèce indigène d’Amérique du Nord. L’espèce est très grande (de 1 à 1,8m) et on la retrouve sur les sites américains sous le nom de « false goat beard ». Dans la nature, son inflorescence en forme de panicule est blanche et certainement d’apparence moins plumeuse que les variétés horticoles. Gardez l’œil ouvert, on la rencontre parfois dans les sous-bois.
Atilbe arendsii
Ce n’est pas vraiment une espèce, mais un nom souvent donné aux cultivars issus des travaux d’hybridation de l’allemand George Arends. Cet homme fut un pionnier de l’hybridation, et il a reçu de nombreux prix pour ses créations. Cependant, ce sont des hybrides souvent complexes avec des parents chez A. astilboides, A. chinensis, A. japonica, A. thunbergii et plus encore. Comme l’appellation A. arendsii n’est pas une espèce officielle, vous ne la retrouverez pas systématiquement, mais la plupart des cultivars avec des noms allemands en font partie.
Astilbe chinensis (Maxim.) Franch. & Sav.
Plusieurs des cultivars ont parmi leur parent cette espèce. Ces astilbes ont en général une meilleure tolérance à l’ombre dense et la sécheresse. Elles vont aussi s’étendre (sans division) plus rapidement que les autres espèces. Elles ont généralement des floraisons plus tardives. Voici trois cultivars à rechercher :
- A. chinensis ‘Pumila’ : meilleure plante de pleine ombre, relativement petite (environ 25cm de haut) avec une très tardive floraison à la fin de l’été/début de l’automne, d’un beau pourpre violacé).
- A. chinensis ‘Spätsommer’ (littéralement « tard pendant l’été ») : elle aussi fleurira fin août, début septembre avec des plumes d’un rose pimpant parfois presque rouge.
- A. chinensis ‘Vision’ : l’une des préférées, autant pour le jardinier paresseux#ref:209# qu’Albert Mondor#ref:210#. Ce cultivar est particulièrement prisé, pour son exceptionnellement longue floraison (jusqu’à 8 semaines pour les plants matures, comparé à 2 à 4 semaines pour la majorité des astilbes) très fournie et très dense, de couleur pourpre, et son feuillage qui passe du vert au bronze à la fin de l’été. C’est un cultivar qui a hérité de la bonne tolérance à la sécheresse de l’espèce.
Astilbe thunbergii (Siebold & Zucc.) Miq.
Originaire du japon, l’astilbe de Thunberg est particulièrement grande (1,2m) et ses panicules ont tendance à être retombantes. Ils donnent une impression de calme et de détente. Le cultivar le plus connu de cette espèce est le A. thunbergii ‘Straussenfeder’ (littéralement « plume d’autruche »), d’un rose pourpré très retombant. Ce cultivar est plus petit (environ 80cm) et offre une floraison de mi-saison à tardive, de la fin juillet au mois d’août.
Les hybrides Astilbe x crispa
Les hybrides crispa ont un feuillage tout fripé qui rappelle le persil frisé. Ce sont les plus petites astilbes (environ 20cm de haut) avec une croissance et un étalement très lents et une floraison à la mi-saison. On retrouve principalement A. x crispa ‘Liliput’ et ‘Perko’.
Bonne compagne, on peut la mélanger avec les autres plantes de mi-ombre qui aiment la terre humide, mais drainée, qu’elle soit neutre ou acide. Voici quelques suggestions très décoratives :
Les actées à grappes bleues ou noires, les anémones à floraison tardive, les fougères, les heuchères, les hostas, les myosotis, les pulmonaires, les sceaux de Salomon… Vous avez le choix !
Est-ce envahissant ?
On trouve rarement l’espèce indigène de l’Amérique du Nord, mais aucune astilbe n’est considérée comme envahissante. Elle ne se ressème pas et ne s’étend que lentement. Elle est également facile à enlever.
Historique, tradition, origine du nom de la plante
C’est l’humain qui a apporté l’astilbe d’Orient, mais une espèce est également native d’Amérique.
Vous serez étonné de savoir que le mot astilbe vient de l’ancien grec στιλβός. C’est un mot en deux parties, et stilbós signifie « sans éclat ». On parle probablement des petites fleurs individuelles, parce que les inflorescences, elles, ont beaucoup d’éclat.
Lorsqu’on donne une fleur d’astilbe, cela signifie : « je t’attends ». Cette symbolique est plutôt en accord avec l’impression de douce mélancolie que m’inspirent les jolis plumeaux de la plante.
Ce n’est pas réellement une plante comestible ou médicinale.
J’ai trouvé un rapport qui dit, sans plus d’informations, que l’on pourrait manger les jeunes feuilles cuites#ref:209#… mais je suis sceptique. Puisque la plante est aussi commune et aussi riche en minéraux, si elle avait véritablement un intérêt comestible, on trouverait beaucoup plus d’informations et de recettes la concernant. Malgré mon amour et mon respect pour l’excellent travail de Plant For A Future (PFAF), je vous conseille la prudence, et de vous limiter à un usage ornemental de l’astilbe.
Pour plus de suggestions
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