Ne vous laissez pas tromper par ses belles feuilles panachées en forme de cœur, la plante caméléon est une vraie plante exotique (originaire de Chine), envahissante qui, une fois installée, est difficile à retirer.
En contrepartie, c’est une plante facile de culture, notamment pour les endroits ombragés. C’est aussi une plante à la fois aromatique et alimentaire, et une puissante plante médicinale (plus connue en Orient qu’en Occident). Elle est notamment antivirale et antimicrobienne, à relativement large spectre.
En réalité, le problème avec la plante c’est qu’on nous la vend comme plante ornementale trop souvent sans avertissement. Et qu’ensuite, naïvement, on la plante dans nos plates-bandes ou à des endroits où nous ne réussissons à rien faire pousser, sans penser à lui installer des frontières. Que finalement, seulement quelques années plus tard, on réalise qu’elle est en train de nous envahir et qu’alors elle est très difficile à enlever, car le moindre morceau de rhizome suffit à la plante pour repartir.
Cet article a pour but de vous informer pour que, si vous décidez de l’ajouter à votre jardin, vous preniez les mesures pour la contenir, ou qu’au contraire vous évitiez l’erreur de la planter.
Ses multiples noms
La plante est bien populaire en jardinerie, et on nous la vend sous plusieurs noms. Mais c’est toujours notre chère envahissante : restez vigilant.
- Plante caméléon
- Houttuynia cordata
- Herbe à poivre
- Poivre de Chine
- Coriandre des bois
- Fish mint
- Rainbow plant
- Heart leaf
- Dish mint
- Chinese lizard trail
Plantes de remplacement à la plante caméléon comme couvre-sol
Plante | Ensoleillement | Ornementale | Comestible | Médicinale | Invasive |
Asaret du Canada | Ombre, mi-ombre, ombre sèche | Sans fleurs | Oui | Oui | Oui, mais se contrôle facilement |
Aspérule odorante | Soleil, ombre, mi-ombre | Oui, floraison blanche | Aromatique | Oui | Oui, mais se contrôle facilement |
Bugle rampante | Mi-ombre, ombre | Floraison mauve | Faible intérêt | Faible intérêt | Oui, mais se contrôle facilement |
Épimède | Soleil, mi-ombre, ombre | Oui, floraison blanche | Faible intérêt | Oui | Faiblement |
Gaulthérie couchée | Soleil, mi-ombre et ombre | Floraison et fruits discrets | Aromatique | Oui | Non |
Géranium à gros rhizome | Soleil, mi-ombre, ombre et ombre sèche | Oui, belle floraison mauve | Non | Non | S’étend rapidement, on doit lui imposer des barrières souterraines |
Lamier maculé | Soleil, mi-ombre, ombre et ombre sèche | Oui, floraison rose-mauve | Oui | Non | Oui, mais se contrôle facilement |
Pain de perdrix | Mi-ombre, ombre | Oui | Non | Oui | Un peu |
Petite pervenche | Soleil, mi-ombre et ombre | Oui, floraison mauve | Non | Oui | Oui, mais se contrôle facilement |
Busserole ou Raisin d’ours | Soleil, mi-ombre et ombre | Oui | Non | Oui | Non, c’est un arbuste rampant à croissance lente |
C’est une belle plante couvre-sol qui peut réussir à peu près dans toutes les conditions, sauf les sols très secs et très ensoleillés. Mais les conditions où elle excelle sont la mi-ombre avec un sol humide, voire mal drainé. Vous aurez alors un superbe tapis qui couvrira rapidement l’espace disponible (et celui moins bien gardé aux alentours).
Contenir la plante caméléon
Donc, si vous implantez la plante caméléon, ne vous inquiétez pas trop de ses conditions de culture. Pensez surtout aux conditions de contraintes. Pour gérer une plante caméléon, il faut installer une barrière souterraine d’au moins 30cm de profondeur et 5cm au-dessus de la terre. Voici quelques suggestions pour y arriver :
- Vous pouvez utiliser du plastique, par exemple découper une vielle « crazy carpet » et la poser à la verticale autour de la superficie allouée à votre plante.
- Délimitez votre plate-bande avec une barrière physique (qui peut être moins profonde que les 30 cm), mais entourez cette plate-bande de sentiers protégés contre les mauvaises herbes.
- Conservez vos plants en pots. Notez qu’alors la plante aura besoin d’arrosage quotidien et pensez à ajouter de la perlite à votre pot.
- Utilisez de grands pots, dont vous enlevez le fond et que vous placez en terre, en ne laissant dépasser que 5cm au-dessus de la terre.
Pour plus de sécurité, il faut aussi vérifier et couper régulièrement les tiges qui pourraient passer par-dessus la barrière, avant qu’elles ne s’implantent (c’est-à-dire au moins 1 fois par mois).
Je recommande aussi de couper les fleurs avant qu’elles ne produisent de graines. Les graines de la plante caméléon germent mal, mais elle en produit un très grand nombre pour compenser la faible germination. Chez moi, avec mon épais paillis en toutes saisons, la plante ne se ressème pas vraiment, mais si vous voulez être certain, coupez les fleurs pour éliminer le risque. Mais il ne faut pas non plus devenir fou : les jeunes plants sont faciles à enlever (pendant la 1re année) avant qu’ils ne s’implantent (mais encore faut-il les repérer).
Note : les variétés panachées demandent un peu plus de soleil et sont un peu moins envahissantes, mais aussi moins thérapeutiques, que l’espèce souche.
Vous débarrasser de la plante caméléon
La façon demandant le moindre effort pour vous débarrasser de la plante est d’utiliser une toile d’occultation pendant 1 à 2 ans. Il est toujours possible de mettre du paillis au-dessus de la toile ou encore de faire de la culture en pot pour cacher celle-ci.
Il y a 2 alternatives à la toile d’occultation, mais celles-ci demandent beaucoup d’effort.
Enlevez tous les rhizomes. C’est possible, mais il faut être très méthodique et retirer une bonne quantité de terre. Chaque morceau de rhizome donnera un nouveau plant. Donc, si vous ne retirez que les rhizomes superficiels, vous allez multiplier la plante plutôt que l’éliminer.
Coupez méthodiquement toute partie aérienne. Pour produire ses tiges, la plante a besoin d’énergie. Énergie qu’elle puiserait normalement du soleil. Donc, si vous lui coupez toutes les parties aériennes à chaque repousse, la plante va s’épuiser et, éventuellement, mourir. C’est une méthode de longue haleine. La plante menacée va tenter de cacher à votre regard ses repousses, mais si vous persévérez, vous pourrez prendre le dessus.
Rusticité
Les parties aériennes de la plante sont sensibles au gel, mais les racines survivent jusqu’en zone 5 (parfois même zone 4). Si vous êtes en zone limite, vous pouvez simplement ajouter du paillis ou des feuilles mortes pour augmenter l’isolation.
Le plus facile pour reproduire la plante est de la séparer. Chaque morceau de rhizome qui est simplement enterré et protégé de la sécheresse donnera un plant. La plante produit beaucoup de graines, qui heureusement ne germent pas facilement. Si vous voulez faire des semis, faites-les de préférence à l’intérieur et assurez-vous de garder le terreau toujours humide.
Le bouturage est relativement facile et se pratique de préférence au printemps. Coupez des tiges, que vous placerez dans un verre d’eau le temps qu’elles produisent des racines, puis transplanterez.
Pour ce qui est des semis, la germination de la plante caméléon est erratique. Elle peut se faire en moins de 2 semaines, mais peut également prendre plus de 10 semaines. Si vous voulez essayer, assurez-vous de garder le terreau bien humide et de ne recouvrir que légèrement les semis. Puis, ne perdez pas espoir. Démarrez plus de semis que pour vos besoins.
Mauvaise compagne, la plante caméléon va s’étendre et étouffer les plantes à sa portée. Elle peut toutefois être placée dans une plate-bande réservée aux plantes envahissantes, telles que la consoude et la menthe.
Est-ce envahissant ?
Oui, comme nous l’avons vu la plante caméléon peut rapidement devenir envahissante, surtout si votre sol est humide. La meilleure façon d’éviter les mauvaises surprises est de contenir la plante dès sa transplantation au jardin en l’entourant de parois enterrées pour éviter qu’elle ne prenne trop de place.
Ne pas confondre avec…
Yerba mansa
Dans les régions plus chaudes, on peut facilement la confondre avec la yerba mansa (Anemopsis californica). Les deux plantes poussent dans les milieux humides et ont une végétation rampante et des fleurs blanches.
La yerba n’est pas rustique au Québec, car elle ne survit pas à des températures sous 12°C. Sa fleur également blanche ressemble un peu à celle de la plante caméléon, mais elle ne porte pas les iconiques feuilles en forme de cœur.
D’autre part, bien que d’une autre espèce, elle aurait un goût et des usages médicinaux relativement similaires, donc une confusion ne serait pas dramatique.
Le genre Saururus
Les plantes de cette famille peuvent lui ressembler un peu au niveau du feuillage. Ce sont également des plantes qui aiment les milieux humides. Mais ici, la floraison est bien différente. Les plantes de ce genre ne sont cependant pas comestibles.
Toute la plante est comestible.
Pour l’aspect gustatif, ça dépend des goûts. C’est un peu comme la coriandre : il y a ceux qui adorent, ceux qui détestent et quelques opinions entre les extrêmes. Mon avis : un drôle de goût mentholé avec plus de parfum, mais un arrière-goût qui rappelle un peu le poisson. Donc, je m’accorde avec le nom anglais de fish mint. Cela dit, voici ce qu’on retrouve comme descriptions de son goût :
- Goût et odeur proche de la coriandre
- Étrange goût de citron et d’orange qui rappelle un peu le gingembre
- Poisson, ou même parfois poisson pourri
Bref, mieux vaut goûter à la plante et vous faire votre propre opinion.
Les parties aériennes se mangent crues et cuites. Le goût est assez prononcé, ce qui fait qu’elle sert surtout de condiment, par exemple pour assaisonner un guacamole ou une salade de riz.
Quant aux stolons souterrains, il est plus habituel de les voir cuits, par exemple dans un ragoût, ou encore frits (coupés en morceaux de 10 cm).
J’ai découvert les vertus de la plante caméléon grâce à Stephen Buhner, un grand herboriste américain qui la considère comme l’une des sept plus importantes antivirales de notre pharmacopée. Cela dit, elle est beaucoup plus connue et reconnue pour ses vertus médicinales chez les Orientaux. Avant Buhner, j’en avais seulement entendu parler dans les traitements contre la maladie de Lyme (où elle est très utile). Ici, elle est principalement vendue comme une plante ornementale.
La plante caméléon est une grande plante du système immunitaire.
Toujours selon Buhner#ref:193#, la plante caméléon agit au niveau de la capacité des virus de se reproduire. Plus précisément, elle agit au niveau de l’enveloppe du virus pour empêcher le virion de sortir et d’infecter les cellules périphériques. La plante caméléon a aussi une bonne efficacité sur un large spectre de microbes et de bactéries. Dans une plus faible mesure, elle pourrait contribuer à combattre les problèmes fongiques ou les parasites. Finalement, elle serait immunomodulatrice, c’est-à-dire qu’elle viendrait stimuler les défenses du corps humain s’il est déprimé, mais sans surexciter le système immunitaire.
La plante pourrait également aider grâce à ses vertus fébrifuges (pour faire baisser la fièvre), analgésiques, béchiques (pour réduire la toux non productive) et astringentes (pour resserrer les tissus des amygdales en cas d’angine). Il ne faut cependant pas espérer des résultats spectaculaires de ce côté, ses vertus sont assez modérées.
La plante est également une légère laxative. Certains auteurs l’utilisent également de façon ophtalmique, mais je n’ai aucune expérience à ce sujet !
Pour en profiter pleinement
Malheureusement, la plante perd ses vertus antivirales et antimicrobiennes à la chaleur, donc pour en profiter on peut :
- Manger les feuilles crues
- Extraire et boire le jus des feuilles
- Faire des concentrés alcooliques à partir des parties aériennes
Comme c’est une plante alimentaire, les quantités à prendre sont assez libres. Pour une plus grande efficacité, dans le cas d’une utilisation antivirale ou antimicrobienne, il est préférable d’en prendre souvent. Idéalement, 6 fois par jour.
Il y a très peu d’effets secondaires, si ce n’est des nausées pour les personnes auxquelles le goût déplaît, et une mauvaise haleine (si votre partenaire n’aime pas son arôme).
On peut aussi appliquer le jus de la plante ou les feuilles écrasées directement sur les plaies pour ses vertus hémostatiques, antiseptiques et astringentes, pour favoriser la guérison de ces plaies.
Voir la fiche de la plante caméléon pour les doses minimums et les proportions pour le concentré alcoolique.
Transformation et conservation de la plante caméléon
La plante fraîche est plus puissante que celle séchée. On va tout de même la sécher rapidement pour faire une teinture (concentré à base d’alcool) si on n’a pas accès à l’alcool concentré nécessaire à la fabrication de la teinture à base de plante fraîche.
Pour ceux qui n’aiment pas le goût de la plante, elle peut être séchée et réduite en poudre au moment de la consommer. On peut ensuite soit l’encapsuler ou la mélanger à un « smoothie » à raison de ½ c. à thé par verre.
Faire une courte décoction de la plante a l’avantage de retirer le goût « poissonneux » tout en conservant celui qui s’approche de la coriandre ou des agrumes. Une décoction refroidie fait un excellent breuvage rafraîchissant pendant la période estivale. Notez par contre que si les propriétés antivirales sont détruites en grande partie par la chaleur, ce n’est pas le cas de la propriété laxative qui, elle, demeure active, donc à consommer avec modération !
La plante doit être cultivée et cueillie en milieu sain, car elle absorbe les métaux lourds des sols et peut donc accumuler des composés toxiques.
Les Asiatiques pratiquent également des injections de la plante, mais il semble y avoir des risques d’effets secondaires plus importants. Mon conseil : ne faites pas d’injections de la plante sans la supervision d’un spécialiste de la médecine chinoise.
Pour plus de suggestions
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Voyez mes suggestions précédentes :
- Suggestion surette pour votre jardin : l’oseille.
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- La livèche : même goût que le céleri, mais beaucoup plus facile à réussir
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