Je cherchais depuis longtemps de bons livres sur les plantes médicinales de Chine et j’ai enfin trouvé ce dont j’avais besoin. Je partage donc avec vous mon exploration de ces livres :
- Herbal Emissaries – Bringing Chinese Herbs to the West – A guide to gardening, herbal wisdom and well-being par Steven Foster et Yue Chongxi#ref:253#
- The Chinese Medicinal Herb Farm – A cultivator’s Guide to Small-Scale Organic Herb Production par Peg Schafer#ref:254#
Les deux livres sont très complémentaires. Steven Foster, auteur de Herbal Emissaries, a d’ailleurs écrit l’avant-propos du livre The Chinese Medicinal Herb Farm. Alors que l’un se concentre davantage sur la recherche, les usages et les transformations, le second donne beaucoup d’informations sur la culture et la conservation des herbes. Ensemble, ils offrent un portrait complet des principales herbes chinoises, surtout celles qui peuvent être cultivées dans nos climats.
Dans cet article, après avoir exposé pourquoi s’intéresser aux plantes médicinales chinoises, je vous présente en détail les deux livres et vous offre un tableau récapitulatif qui résume le type et la qualité d’information qu’on va retrouver respectivement dans les deux livres. Finalement, en bonus, quelques adresses pour les lecteurs québécois qui cherchent des semences ou plantes médicinales chinoises pour leur jardin.
Pourquoi s’intéresser aux plantes médicinales de Chine et leur culture
Voici quelques raisons :
- Leur système d’herboristerie est plus vieux et la recherche en est mieux financée qu’ici en occident, ce qui fait qu’on a beaucoup à apprendre.
- Nous avons adopté plusieurs plantes médicinales chinoises dans nos jardins, et on les cultive et les admire sans en connaître les vertus. Voici quelques exemples : platycodon (Platycodon grandiflorus), fleur léopard (Belamcanda Chinensis), amarante crête de coq (Celosia cristata), pivoine de Chine (Paeonia lactiflora), hibiscus arbustif (Hibiscus syriacus), vitex (Vitex agnus-castus), ginko (Ginkgo biloba), armoise annuelle (Artemisia annua), perilla (Perilla frutescens) et houttuyania (Houttuyania cordata), pour n’en nommer que quelques-unes.
- Dans la médecine traditionnelle chinoise, les recettes de transformation sont plus variées. Il est intéressant de comprendre (lorsqu’il y a des tests à l’appui) pourquoi ils font telle ou telle transformation. Cela peut nous donner des pistes d’exploration pour nos plantes indigènes avec des principes actifs similaires.
- Les produits importés de Chine sont souvent le fruit de cueillettes sauvages qui mettent parfois en danger certaines espèces. C’est pourquoi faire notre propre culture est un geste écologique.
- Comme il est très difficile d’avoir des produits bio de qualité provenant de Chine, il y a un certain marché de niche pour ceux qui voudraient faire une culture commerciale des plantes médicinales chinoises.
Herbal Emissaries – Bringing Chinese Herbs to the West – A guide to gardening, herbal wisdom and well-being
Steven Foster est un grand nom de l’herboristerie américaine. L’American Botanical Council lui a d’ailleurs dédié un article. Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, je me suis permis d’en traduire un petit extrait :
« L’auteur ou co-auteur de 19 livres et de centaines d’articles, et un véritable maître de la littérature sur l’herboristerie, en particulier de la littérature médicale éclectique de la fin du 19e et du début du 20e siècle, Steven était également un photographe de renom des herbes et des plantes médicinales, ayant un œil pour la beauté dans chaque feuille et fleur. Il était incomparable au sein de la communauté botanique mondiale. »
- Mark Blumenthal, fondateur et directeur exécutif de l’American Botanical Council
Quant à Yue Chongxi, il ne m’était pas connu, mais avec plus de 20 années d’expérience à l’Institute of Chinese Materia Medica et à l’Academy of Traditional Chinese Medicine de Beijing, il apporte une connaissance des plantes pour lui locales et de l’état des recherches en orient et des usages traditionnels. Le livre est le résultat d’une cohabitation d’une durée de 8 mois, suivie de 8 années de recherche et d’écriture.
Après une courte introduction sur la façon d’utiliser le livre, l’utilisation des plantes comme « médicaments » dans la médecine traditionnelle chinoise et la traduction des appellations chinoises, le corps du livre (300 des 356 pages) est consacré aux monographies des 47 plantes qui y sont détaillées .
Les points forts du livre
On sent dans tout l’ouvrage la coopération entre l’orient et l’occident qui se rencontrent. Le livre porte donc vraiment bien son nom d’Émissaire. On sent que Y. Chongxi a une connaissance profonde des plantes, de leur transformation et de l’état des recherches. Et toute cette information est transmise avec une bonne traduction pour les lecteurs occidentaux, moins familiers avec la médecine traditionnelle chinoise (MTC).
Le livre se démarque pour la qualité de ses monographies, surtout pour les sections Usages, Transformation et Autres espèces.
Mes réserves :
J’aurais aimé avoir un plus grand nombre de monographies et surtout plus de photos. Le livre n’est que du texte, à l’exception d’un petit feuillet de 8 pages avec des photos en noir et blanc. C’est un peu décevant lorsqu’on connaît le talent de photographe de S. Foster.
Résumé du livre :
Les plantes sont elles-mêmes classifiées en cinq sections :
- Les plantes médicinales chinoises majeures
- Les fleurs de jardin
- Les arbustes ornementaux
- Les arbres ornementaux et inusuels
- Les herbes sauvages
Chaque plante est présentée en détail, nous donnant :
Identification de la plante
Cette section est importante. En effet, avec tous les cultivars ornementaux, il est important de savoir bien identifier la plante en question.
Pour l’identification précise, le livre nous offre plusieurs options, en plus du nom botanique et de ses synonymes. Il nous donne également le nom chinois, le nom anglais, le nom pharmaceutique et la famille de la plante.
Usage traditionnel de la plante.
On y présente l’histoire de l’usage de la plante. Parfois, on fait le parallèle entre les usages des plantes orientales et leurs cousines (même genre, mais espèce différente) occidentales. C’est fascinant de voir par exemple les ressemblances entre l’agripaume cardiaque et chinoise, et les différences entre la scutellaire latiflora et celle du Baïkal.
On décrit également le goût et le caractère de la plante et parfois, la tendance. Je dois avouer que pour moi, quand une plante comme l’agripaume chinoise est décrite comme : « Toute la plante : amère, chaude et un peu froide. Les graines : chaudes, un peu sucrées et froides », il est un peu étonnant de voir des plantes qui sont à fois chaudes et froides. Mais à chacun son domaine! À mes yeux, ceci n’avait peut-être pas toujours de sens… Cependant, comme cette partie était courte (la description du goût et du caractère étant succincte), cela ne gênait pas ma lecture.
Usages modernes
C’est à mon avis cette partie du livre qui forme son point fort et distinctif.
L’utilisation moderne est offerte en une courte description des fonctions de la plante sur le corps humain. Ensuite, on retrouve une description détaillée des usages (souvent plus d’une page). À la toute fin de la monographie, il y a également une section Autres usages, qui décrit les utilisations plus anecdotiques de la plante pour plus d’exhaustivité.
Une section spécifique sur le dosage donne principalement le dosage en g de plante séchée et les utilisations (décoction, en poudre, en capsule, parfois aussi les extraits dans l’alcool).
Enfin, une section définit les transformations traditionnelles de la plante. Ici, on nous explique comment les plantes sont préparées. À titre d’exemple, je recopie ici l’une des trois recettes données pour la scutellaire du Baïkal :
« For alcohol-processed huang-qin, dried slices of the root are used. Ten pounds of yellow (rice) wine are added to 100 pounds of the root. The wine is sprinkled over the roots, covered with a moist cloth, and allowed to sit until the roots absorb the alcohol. Next they are lightly roasted (stir-fried) for a short time, then cooled.”
Traduction: Pour le huang-qin macéré à l’alcool, des tranches séchées de la racine sont utilisées. Dix livres de vin jaune (de riz) sont ajoutées à 100 livres de racine. Le vin est versé sur les racines, qu’on recouvre d’un chiffon humide, et laisse reposer jusqu’à ce que les racines absorbent l’alcool. Ensuite, elles sont légèrement rôties (sautées) pendant un court laps de temps, puis refroidies.
Souvent, ces recettes sont enrichies par l’état des recherches qui confirme certains bénéfices des transformations proposées. Dans notre exemple sur la scutellaire du Baïkal, on parle du principe actif (la baicaline) qui s’hydrolise facilement pour faire de la baicaléine. L’utilisation de l’alcool de riz prévient l’hydrolisation, permettant d’avoir jusqu’à 30% plus de baicaline. Cette dernière serait le principal principe actif pour les effets neuroprotecteurs, alors que la baicaléine serait, elle, un meilleur anti-inflammatoire. La transformation proposée viendrait privilégier l’aspect neuroprotecteur.
Botanique et culture
On offre une bonne description botanique de la plante, nécessaire pour pallier (du moins en partie) le manque cruel d’images dans le livre.
Distribution naturelle et culture de la plante
Connaître la distribution naturelle de la plante permet de faire certaines déductions sur ses conditions de culture idéales. Ici, c’est à nous de faire nos devoirs, quoique dans la section suivante intitulée Culture on en dégage l’essentiel. On parle de l’ensoleillement, de la rusticité, de la tolérance à la sécheresse, de la méthode de propagation, de l’espacement et de quelques informations sur les soins aux plantes. Mais cette information n’est jamais aussi détaillée que dans le livre The Chinese Medicinal Herb Farm. Même chose pour les récoltes : on nous donne les détails essentiels, mais rarement les trucs d’experts. On sent l’information théorique plutôt que la pratique du terrain.
Finalement, la section Espèces additionnelles a été pour moi particulièrement intéressante. Dans cette section, on détaille avec une bonne précision les espèces réputées pour être un substitut acceptable et celles de moindre qualité, les adultérants. Ce qui est très utile compte tenu de la difficulté à se procurer certaines plantes.
The Chinese Medicinal Herb Farm
Écrit 19 ans après Herbal Emissaries, ce livre a une facture plus moderne que le premier. Il couvre également un plus grand nombre de plantes et nous donne pour chacune d’entre elles plusieurs photos.
L’auteure Peg Schafer possède depuis plusieurs années une ferme de culture spécialisée dans les plantes médicinales chinoises de qualité bio en sol américain. Elle s’efforce d’y produire des plantes avec autant de « chi » que les cueillettes sauvages de plantes dans leur biotope d’origine.
Contrairement à Herbal Emissaries, The Chinese Medicinal Herb Farm ne se contente pas de monographies détaillées. Il offre également une première partie plus générique pour aider les entrepreneurs à développer la culture de plantes médicinales chinoises dans le contexte américain. Dans cette première partie, l’auteure nous raconte comment elle a développé sa ferme physiquement, mais aussi les connaissances pour récolter des plantes de qualité et pour bien les mettre en valeur sur le marché. Elle parle ici de son expérience directe et on sent qu’elle a envie de nous inviter à développer notre fibre entrepreneuriale pour ce marché de niche, dont elle partage avec nous les secrets. La Californie étant bien plus chaude que le Québec, il y aurait quelques ajustements à faire pour avoir une ferme similaire au Québec, mais son information de terrain est très précieuse.
Les monographies des plantes médicinales
Dans ce livre, les plantes sont simplement proposées par ordre alphabétique des noms botaniques. Ce qui m’arrange, parce que je connais mieux les noms botaniques que ceux en anglais. Chaque plante est décrite en deux à quatre pages, incluant les photos.
Identification
Comparativement à Herbal Emissaries, ici on ne donne qu’exceptionnellement les synonymes. On se contente des noms latins, communs et pinyins, de la famille et de la partie utilisée.
La description de la plante est également plus succincte, mais comme il y a des photos, elle est aussi souvent moins nécessaire.
Propagation
Généralement un petit paragraphe, qui indique si on la propage par semis, division des racines ou autre. Également, le meilleur moment pour le faire, le temps de germination et les traitements spéciaux si nécessaires.
Jardin et plantation en polyculture
Cette petite section nous décrira le bon emplacement ou, au contraire, les écueils à éviter lorsqu’on planifie de mettre la plante dans un jardin. Par exemple, si c’est une plante invasive, ce qu’il faire pour prévenir la perte de contrôle, ou encore si la plante est ornementale.
Compagnonnage
Une bonne section nous indique toutes les plantes médicinales chinoises qui peuvent être cultivées à proximité l’une de l’autre. Ici, on ne donne cependant pas les raisons de ce bon compagnonnage. Je présuppose donc des conditions similaires de culture.
Production au champ
Dans cette section, on dit quand transplanter, dans quelles conditions la plante se plaira le mieux, ses besoins en soleil, nutriments, soins, etc.
Maladies et nuisibles
Comme Peg Shafer ne cite pas de sources, j’imagine que ce sont les maladies et nuisibles qu’elle a observés pour ses propres cultures. Souvent, cette section est très courte. En effet, plusieurs plantes asiatiques sont peu sensibles aux maladies et nuisibles, du moins chez elle en Californie.
Récolte et productivité
Cette section, bien que courte, est exceptionnelle. On nous y donne l’information pour la récolter et comment préparer les récoltes pour leur conservation et la vente. Mais également, ce qui est généralement difficile à trouver: quel est le ratio entre le poids frais et sec de la partie récoltée. Cette information, en permettant de calculer le pourcentage d’eau dans la plante, est très utile pour déterminer le degré et la quantité d’alcool à utiliser dans les teintures.
Usages médicinaux
Finalement, chaque plante a son petit encadré qui donne les usages médicinaux. Ici on donne, selon la plante, les usages, les transformations, parfois les combinaisons de plantes. La section est beaucoup moins développée que dans Herbal Emissaries.
Tableau sommaire de l’information disponible dans les deux livres
Type d’information | Herbal Emissaries | The Chinese Medicinal Herb Farm |
---|---|---|
Nbr de plantes couvert | 47 plantes | 79 plantes |
Conditions de culture | ⭐ ⭐ | ⭐ ⭐ |
Propagation | ⭐ ⭐ | |
Soins à donner pour favoriser la qualité médicinale des plantes | ⭐ | ⭐ ⭐(inclut les détails pour la propagation) |
Compagnonnage | ⭐ ⭐ | |
Danger invasif | ⭐ | ⭐ |
Maladies, insectes nuisibles | ⭐ ⭐ | |
Récolte (quelle partie, quel moment) | ⭐ ⭐ | ⭐ ⭐ (inclut rendement et préparation) |
Transformations, recettes, posologie | ⭐ ⭐ ⭐ | ⭐ |
Précautions, toxicité, interactions médicinales | ⭐ ⭐ | |
Usages (modernes et traditionnels) | ⭐ ⭐ ⭐ | ⭐ |
Principes actifs | ⭐ ⭐ | |
Combinaisons de plantes | ⭐ | ⭐ |
Où trouver des graines pour cultiver les plantes médicinales chinoises?
Inspirée des sections adresses utiles des deux livres américains (malheureusement, bien des fournisseurs ne livrent pas au Canada) et de mes propres recherches pour trouver les graines de plantes médicinales plus rares, voici une petite liste de suggestions :
Semenciers québécois :
Le jardin des vie-la-joie : 156 plantes médicinales dont 15 MCT. Note : il y a de nombreux semenciers qui offrent des graines de plantes médicinales. Écoumène, Société des plantes, Semences du Portage, Akène… seulement, ils offrent plutôt des plantes médicinales indigènes que des plantes médicinales asiatiques. Ceci dit, on ne sait jamais : ils ont de belles sélections.
Semenciers canadiens
Richters : juste à la frontière de l’Ontario, Richters a une vaste quantité d’espèces médicinales indigènes et exotiques
Semenciers américains qui livrent au Canada
J.L. Hudson : le site internet est quelque peu vétuste. Mais la quantité de variétés proposées est impressionnante et les frais de livraison sont raisonnables.
Strictly medicinal seeds : contrairement à ce que le nom suggère, on peut commander graines, racines et plantes médicinales, arbres, arbustes et plantes succulentes.