Outre les ravageurs, nos plantes sont sujettes à trois grandes familles de problématiques : les maladies fongiques ou cryptogamiques, les maladies virales (telles que la mosaïque) et les maladies bactériennes (la nervation noire des crucifères).
Cet article décrit les bons gestes pour réduire le risque d’occurrence, et les traitements préventifs et curatifs pour limiter les pertes dues aux maladies fongiques. Nous publierons par la suite de mini-articles afin de bien couvrir tous les aspects des différentes maladies.
Une plante forte et en santé sera moins susceptible à tous les types de maladies et sera même moins attaquée par les insectes et animaux
Dans tous les cas, offrir aux plantes cultivées un environnement adapté réduit leur stress et contribue à leur santé. Les individus en santé sont moins susceptibles d’être malades et même d’être attaqués par les insectes et les animaux.
Saviez-vous?
Les arbres qui prennent une coloration flamboyante à l’automne ne le font pas uniquement parce que les feuilles perdent leur chlorophylle, mais aussi pour exhiber leur vitalité et décourager certains insectes de les attaquer.
Il est vrai que pour voir les couleurs, la plante doit laisser se dégrader la chlorophylle, mais certaines espèces (les plus flamboyantes) investissent des ressources considérables pour produire les molécules qui colorent leurs feuilles, et ce, juste au moment où la chlorophylle se dégrade, c’est-à-dire quelques jours (voire semaines) avant de les perdre. On croit que cet effort serait un « signal honnête » de vitalité pour les pucerons, qui connaissent un pic et se déplacent justement à cette période. C’est un peu l’équivalent de ce qu’on voit dans le règne animal, où la proie démontre sa vigueur à son attaquant pour le dissuader d’engager la poursuite#ref:187#.
On ne peut éviter complètement les maladies fongiques, mais on peut en atténuer les impacts
Peu importe la qualité des soins et l’amour donné à nos plantes, inévitablement, on retrouvera un jour ou l’autre des maladies sur certains plants. Les maladies fongiques sont les plus fréquentes, puisque les spores des champignons qui les produisent voyagent facilement dans l’air et se conservent tranquillement sous terre pendant l’hiver.
Les maladies fongiques ont plusieurs points en commun : une fois qu’elles sont visibles, il est généralement trop tard pour guérir la plante sans subir de pertes. Puisqu’elles sont inévitables et difficilement traitables, l’idée est d’offrir des conditions défavorables à leur développement et d’agir rapidement pour limiter les pertes.
Les bonnes pratiques pour réduire l’occurrence des maladies fongiques
Un terrain bien drainé
Sauf pour quelques plantes qui aiment vivre aux abords des cours d’eau, un terrain mal drainé sera propice au développement de ce genre de maladies. Une façon simple d’améliorer le drainage est de surélever vos platebandes, par exemple en cultivant sur des buttes ou dans des bacs.
Arrosage
Évitez l’arrosage en soirée et arrosez de préférence la terre sans toucher le feuillage. Le feuillage mouillé, surtout le soir, peut stimuler plusieurs maladies fongiques. Le meilleur temps pour arroser est le matin, et idéalement, on utilise un arrosage goutte à goutte. On évite les stress hydriques importants qui affaiblissent les plantes et les rendent plus sensibles aux maladies. Bien sûr, on ne parle pas ici de mini stress hydriques (par exemple, laisser le terreau sécher entre deux arrosages) qui eux sont plutôt bénéfiques, car ils encouragent les racines à se développer davantage pour accroître la résistance du plant à la sécheresse.
Signes de stress hydrique à surveiller :
- La plante est mollassonne
- Les feuilles pendouillent et le rebord roule pour cacher la surface supérieure de la feuille
- Le sol est sec (s’il est bien humide, il ne sert à rien d’ajouter plus d’eau)
En cas de signe de stress hydrique visible, arrosez immédiatement la plante, même si c’est le soir!
À retenir lors de vos arrosages: une plante se remettra souvent d’un manque d’eau, jamais d’une noyade; donc, si on a un doute sur la quantité d’eau à apporter, mieux vaut ne pas arroser assez qu’arroser beaucoup trop.
Arroser les feuilles pendant la journée ne les brûle pas… C’est un mythe.
J’ai lu à plusieurs reprises qu’on évitait d’arroser au soleil, car les gouttes feraient des loupes qui concentrent les rayons et causeraient des brûlures au feuillage. N’ayez crainte: c’est un mythe. Tant que vous n’arrosez qu’avec de l’eau, il n’y aura pas de brûlures. On ne recommande pas d’arroser ses plantes en plein jour, surtout parce que sous le soleil, une grande partie de l’eau s’évapore avant que les plantes en profitent.
Par contre, il faut éviter les pulvérisations (traitements sous forme de produits dilués dans l’eau et appliqués sur le feuillage) par temps ensoleillé. Le soleil fait évaporer l’eau, ce qui concentre le produit, et les risques de brûlures des feuilles augmentent significativement pour toute pulvérisation par temps ensoleillé. Le matin et les journées nuageuses sont à privilégier pour les pulvérisations foliaires.
Aération
Lors des semis intérieurs, on peut utiliser un ventilateur pour réduire les problèmes fongiques. À l’extérieur, on compte généralement sur le vent et le bon espacement entre les plants pour assurer cette fonction. Si vos plants sont à l’abri du vent, prévoyez un espacement un peu plus grand. Pour les plantes au feuillage très dense, les tailles seront pratiquées pour favoriser une bonne aération.
‘Handle With Care’ (manipulez vos plants avec délicatesse)
Les maladies fongiques ont besoin de lésions pour s’introduire, les plants qui en sont exempts sont donc beaucoup plus résistants. Les manipulations des plants, notamment lors de la transplantation et des récoltes, peuvent causer des lésions. D’où l’importance de les manipuler délicatement. Outre l’activité humaine, les lésions peuvent aussi être causées par les insectes, notamment les pucerons et tous les animaux qui mangent nos plantes.
Taille des plants
Bien que souvent nécessaire, la taille est un grand vecteur de maladies fongiques. Voici quelques bonnes pratiques pour réduire le risque de dégâts :
- Désinfectez vos outils de coupe avec de l’alcool entre chaque plante coupée (surtout si vous coupez des plantes malades ou affaiblies)
- Pratiquez vos coupes par temps sec et ensoleillé
- Taillez les plants dans les périodes recommandées, telles que les périodes de dormance
On doit utiliser de l’alcool ou du savon noir (qui contient de l’alcool) pour nettoyer ses outils
Le vinaigre est bon pour tuer les champignons pathogènes, pas les virus. Quant à l’eau de Javel, elle est toxique pour les plantes et ne doit pas être utilisée pour les outils de coupe.
Choisissez des variétés ou cultivars qui résistent aux maladies plus fréquentes chez vous, et de bons grainetiers consciencieux
Si par le passé vous avez eu des pertes importantes à cause d’une maladie fongique, souvenez-vous-en les années ultérieures pour choisir des cultivars qui résistent particulièrement bien à la maladie en question.
La puissance d’un sol à la micro-vie fertile
Inoculer son sol avec des bactéries bénéfiques est une bonne méthode préventive pour réduire le risque de maladies fongiques. Notamment, la bactérie Bacillus subtillis est efficace contre l’alternariose.
Avoir de bonnes bactéries dans le sol est un grand facteur de succès. Étrangement, les jardineries offrent peu de produits inoculants. Souvent, lorsqu’on demande à un commis, il nous propose simplement des mycorhizes. Or, bien que celles-ci soient un excellent produit, ce sont des champignons et non les bactéries dont je discute ici. Regardez attentivement l’étiquette: les bactéries ont un nom latin qui commence par « Bacillus ».
De plus, évitez, ou n’utilisez qu’en cas de réel besoin les engrais, insecticides et herbicides. Ces ajouts sont nuisibles à la micro-vie qui se nourrit de matières organiques pour la transformer en nutriments bio accessibles aux végétaux et aux champignons bénéfiques aux plantes.
Évitez d’utiliser des graines contaminées
Ne récupérez jamais les graines des plants malades. Utilisez une solution vinaigrée lorsque vous séparez les graines de tomates de la pulpe. Achetez vos graines de grainetiers consciencieux qui savent faire des traitements thermiques pour s’assurer que les graines sont exemptes de maladies.
Faire ses propres traitements thermiques – voici la méthode proposée par Yves Gagnon#ref:151# :
- Enveloppez les graines dans un tissu;
- Faites tremper les graines dans l’eau exactement à 50 °C (plus chaud, on réduit la viabilité de la semence, moins, c’est l’efficacité du traitement qui est réduite) pendant 25 minutes;
- Laissez sécher les graines sur une plaque à l’air libre.
Diversité: optez pour la rotation des cultures et évitez les monocultures
Ces deux règles sont utiles pour réduire tous les types de problèmes, maladies et ravageurs. Si par le passé vous avez eu des problèmes importants reliés à une culture, il est alors conseillé d’arrêter cette culture pour quelques années, à défaut de quoi il faut redoubler les soins préventifs. Les monocultures attirent plus facilement les insectes nuisibles et permettent aux pathogènes de se transmettre plus rapidement; les éviter nous épargne bien des ennuis.
Le paillage
Pailler le sol évite aux parties aériennes des plantes d’être en contact direct avec l’humidité de la terre. De plus, le paillage réduit les stress hydriques et contribue à avoir un sol riche en nutriments et en biodiversité. Pour une protection optimale, utilisez de 8 à 12 cm de paillis en surface.
Les solutions préventives et curatives
Arrachez les plantes ou les parties atteintes et détruisez-les
Puisque la majorité des traitements antifongiques sont préventifs, souvent la meilleure façon de réduire les dégâts est de couper rapidement avec une bonne marge de sécurité les parties atteintes, ou même de se débarrasser des plants fortement attaqués avant qu’ils transmettent la maladie aux autres plantes. N’oubliez pas de nettoyer vos outils de coupe après la taille d’une plante malade.
Peut-on composter les plantes atteintes de maladie fongique?
En principe, un bon compost (créé avec le bon ratio de matière verte et de matière brune), qui est fréquemment brassé et à la bonne humidité, arrivera à détruire tous les éléments pathogènes relativement rapidement. Si vous êtes un expert du compost, vous pouvez vous simplifier la vie!
Si vous êtes plutôt un amateur qui avez des tas trop petits, qui y jetez tout à mesure que les matériaux arrivent sans alterner, qui négligez trop souvent de retourner votre matière, 2 choix s’offrent à vous :
- Retirez de votre compost les éléments problématiques (plantes malades, graines, racines adventices, etc.) et laissez-les pour le service de compostage municipal, qui est capable avec la chaleur d’assurer une décomposition complète de ces éléments
- Armez-vous de patience : même si vous ne retournez pas très souvent votre compost, ce qui ralentira grandement la décomposition, si vous êtes patient et que vous pouvez attendre 2 ans… c’est une question de temps avant que les éléments pathogènes soient détruits dans le compost. Cette méthode n’est pas souvent recommandée; si vous hésitez, vous pouvez peut-être lire l’article du Jardiner paresseux sur le sujet
Pour ma part, je place bon nombre des éléments problématiques au compost municipal. J’ai simplement 2 bacs différents, un pour le compost municipal et l’autre pour mon usage personnel. Il y a cependant une exception : la tache goudronneuse dont presque tous les érables montréalais sont atteints. J’ai bien tenté, une année, d’éliminer toutes les feuilles, mais il y a tant d’érables atteints aux alentours que mes efforts n’ont strictement rien donné d’autre que la perte d’un précieux paillis qui sert à protéger mes plants pendant l’hiver. Depuis, j’utilise toutes les feuilles et il y a des années, comme l’an dernier, où la maladie était très peu sévère et d’autres où elle est plus présente, indépendamment de mon compost.
Cuivre et soufre
Le cuivre est probablement l’antifongique biologique le plus reconnu, mais il est loin d’être parfait. Il est plus efficace en prévention qu’en curatif. Il faut bien sûr lire les instructions des produits achetés. Généralement, on l’applique en pulvérisation foliaire et les ions cuivreux (Cu2+) libérés par la pluie sont ensuite absorbés graduellement par la plante. Une fois absorbés, ces ions cuivreux empêchent la germination des spores du champignon, ce qui arrête le développement de la maladie fongique.
Naturellement, une partie importante du produit sera lessivée et accumulée dans le sol. Les concentrations trop élevées de cuivre dans le sol deviennent éventuellement toxiques, autant pour la plante que pour l’alimentation humaine.
Il y a plusieurs formules de produits fongiques à base de cuivre (oxychlorure de cuivre, octanoate de cuivre, hydroxyde de cuivre, sulfate de cuivre). Ceux-ci vont se dissoudre plus ou moins rapidement après la pulvérisation, offrant soit un traitement choc ou au contraire une protection de plus longue durée.
Le cuivre est efficace en prévention de ces maladies :
- Oïdium (blanc)
- Pourriture noire
- Excoriose
- Anthracnose
- Mildiou
- Pourriture grise
- Pourriture acide
- Pourriture noire
Cependant, bien que nécessaire en tant qu’oligoélément, le cuivre en excès est toxique pour la plante, la terre et l’humain. Il faut faire des arrosages minutieux, en n’oubliant pas le dessous des feuilles, mais il ne faut pas dépasser la dose, et il faut respecter les paramètres d’utilisation dont, entre autres, le pH de l’eau qui influence la solubilisation des ions cuivreux. Il faut également arrêter les traitements quelque temps avant la cueillette. Bref, lisez et suivez scrupuleusement les instructions, et considérez les doses proposées comme étant maximales.
Une surdose de cuivre peut entraîner les conséquences suivantes :
- Altération du goût des aliments
- Ralentissement du développement des jeunes plants
- Déformation, décoloration, marbrure, enroulement des feuilles
- Mauvais développement du système racinaire
- Réduction de l’activité biologique du sol (micro et macro-vies affectées)
Le lait ou le bicarbonate
Le lait et le bicarbonate sont de bonnes alternatives à la fois biologiques et économiques. Ils sont surtout efficaces en prévention, mais peuvent aussi donner de bons résultats lorsqu’on commence le traitement au début de certaines maladies telles que le mildiou et l’oïdium.
Je les utilise de façon hebdomadaire à partir de juillet sur mes cultures à risques, et sur les plantes atteintes après avoir taillé les parties les plus affectées.
Utilisez les tâches avec une récurrence annuelle pour planifier les traitements préventifs de vos plantes qui sont sujettes aux maladies fongiques.
Comment identifier ses cultures à risques?
- Lisez la fiche plante sur tisane et jardin: les plantes sujettes aux maladies fongiques sont identifiées
- Prenez des notes par rapport aux cultures qui ont causé des problèmes les années précédentes
- Notez les plantes qui sont fréquemment attaquées par les insectes ou qui ont la mine basse
L’ail
On le sait en herboristerie : l’ail est un bon antibactérien et un bon antifongique. Je préconise l’usage de la macération d’ail, autant en curatif que pour traiter les débuts de symptômes. À défaut de macération, il est possible de se rabattre sur la décoction d’ail.
Liste des maladies fongiques les plus fréquentes
- Alternariose (ou brûlure alternarienne)
- Anthracnose
- Blanc ou oïdium
- Charbon
- Feu bactérien
- Fonte des semis
- Hernie du chou
- Mildiou
- Pourridié
- Pourriture grise
- Rouille
- Taches noires
- Taches goudronneuses
- Verticilliose
Crédit photo:
Alternaria (feuille tomate): Clemson University; alternaria (feuille patate): Howard F. Schwartz; anthracnose (citrouille): charbon (Maïs):H. Zell; fonte des semis: INAKAvillage211; hernie du chou (chou-fleur):Rasbak; pourridié: Joseph Rojas; pourriture grise: Veronidae; mildiou: Dmitry Brant; rouille (dactyle aggloméré): James Lindsey; tache goudronneuse (érable de Norvège): Speifensender; verticilliose (houblon): David Gent
Érable rouge: Yoksel Zok
Sauge ananas en choc hydrique: Audray Pepin